Tchétchénie : La sale guerre de Poutine continue15/05/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/05/une1815.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tchétchénie : La sale guerre de Poutine continue

Lundi 12 mai, un attentat a fait au moins trente morts et soixante-dix blessés en Tchétchénie. Un camion bourré d'explosifs est venu se jeter sur le siège de l'administration régionale et des services de sécurité, à Znamenskoe, tout au nord de la république sécessioniste, à proximité immédiate de la frontière russe.

Ce nouveau coup de force des indépendantistes tchétchènes est une gifle pour les autorités russes. Particulièrement pour le président Poutine qui, fort du récent référendum truqué qu'il avait emporté sans peine en Tchétchénie il y a moins d'un mois, s'était empressé d'annoncer sur toutes les chaînes de télévision et de radio que la guerre était finie, la paix revenue et que les Tchétchènes voulaient faire partie de la Fédération de Russie.

Poutine est bien placé pour savoir que personne, ni les chefs des bandes armées tchétchènes, indépendantistes et autres, ni l'armée russe ne s'intéresse à l'avis de la population locale. Pour les uns comme pour les autres, elle n'est qu'un enjeu de cette guerre, une proie à rançonner, piller, arrêter, torturer et massacrer. Sur ce terrain, aussi ignobles et sans scrupules que soient les seigneurs de la guerre-gangsters tchétchènes, ils apparaissent sans doute, malheureusement, comme un pis-aller aux yeux des habitants de la région qui sont victimes, depuis des années, des crimes à grande échelle de la soldatesque du Kremlin.

En tout cas, pour avoir pu organiser et perpétrer un tel attentat, dans une région que le Kremlin se vantait d'avoir pacifiée pratiquement depuis le début de cette seconde guerre de Tchétchénie (fin 1999), une région en outre fortement peuplée de Russes, il faut que les terroristes aient disposé de nombreuses complicités dans la population. Il faut aussi qu'ils y aient trouvé des gens, probablement des jeunes, prêts à tout, y compris à laisser leur vie en s'en prenant à un des objectifs les mieux protégés, dans l'espoir de se venger des horreurs que les forces militaires d'occupation infligent à la population locale.

Celle-ci n'a rien de bon à attendre de groupes qui prétendent la défendre au nom d'un nationalisme, souvent teinté de fondamentalisme religieux, qui couvre bien mal les rackets et trafics en tout genre dont se nourrissent les chefs de ces gangs. Mais la population tchétchène, qui ne peut qu'aspirer à vivre en paix après bientôt dix ans de tueries, a eu amplement le temps de se faire une opinion sur ce que les dirigeants russes pouvaient lui offrir en la matière.

La prétendue paix dont parle Poutine, c'est, au mieux, la poursuite de la mise en coupe réglée de la population par les cadres de son armée et d'une administration locale pro-russe corrompue; au pire, la même chose doublée de l'instauration d'un régime obscurantiste sous l'égide de l'imam (pro-russe et ancien soutien des nationalistes dans la première guerre de Tchétchénie, entre 1994 et 1996) que le Kremlin a déjà choisi pour présider "démocratiquement" la petite république.

Alors, officiellement terminée ou pas, la sale guerre de Poutine continue.

Cela ne fait évidemment pas l'affaire de ce dernier car il aurait aimé pouvoir se présenter en vainqueur-pacificateur, alors qu'approchent des élections législatives (prévues en décembre dans toute la Russie) où les instituts de sondage donnent perdant le parti du président et que, dans la foulée, doit se tenir l'élection présidentielle russe. Mais l'ancien chef de la police politique (KGB) et actuel président russe a toujours la ressource de faire, à l'échelle de tout le pays, ce qu'il a fait en avril lors du référendum sur le rattachement de la Tchtéchénie à la Fédération de Russie: bourrer les urnes et trafiquer les listes électorales.

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