Arabie saoudite : L'attentat de Riyad15/05/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/05/une1815.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Arabie saoudite : L'attentat de Riyad

Le voyage du sécrétaire d'État américain Colin Powell, au Moyen-Orient, ne lui laissera sans doute pas un goût de victoire. Le 12 mai, quelques heures avant son arrivée à Riyad, en Arabie saoudite, un triple attentat a frappé dans cette même capitale des résidences hébergeant des Occidentaux, faisant 24 morts, dont sept Américains et un Britannique, et laisssant de très nombreux blessés dans les appartements entièrement soufflés par l'explosion.

"Nous intensifierons la guerre contre le terrorisme", a aussitôt promis Colin Powell. "Nous trouverons les assassins", a renchéri Bush depuis Washington. Mais quelques semaines après la guerre en Irak, et alors que de toute évidence l'occupation du pays risque de ne pas être de tout repos pour l'armée américaine, cet attentat vient démontrer que c'est peut-être dans tout le Moyen-Orient que le contrôle de la situation risque d'échapper aux dirigeants américains. C'est évidemment le message que voulaient délivrer les organisateurs de l'attentat, qu'il s'agisse de l'organisation "Al Qaeda" comme l'ont aussitôt affirmé les dirigeants américains, ou d'autres.

Dans l'immédiat, cet attentat spectaculaire, qui a nécessité d'importants moyens et l'engagement de pas moins de neuf kamikazes, ne peut que renforcer la méfiance des États-Unis envers le régime et l'État d'Arabie saoudite, pourtant depuis si longtemps leur allié. Non seulement Ben Laden vient d'une riche famille du pays, mais quinze des dix-neuf kamikazes des attentats du 11 septembre 2001 étaient eux-mêmes saoudiens. Cette fois, les organisateurs de l'attentat de Riyad ont sans doute bénéficié de complicités au sein de l'appareil d'État saoudien, voire de protections à un niveau élevé du régime.

Les dirigeants américains étaient sans doute les premiers conscients de l'hostilité croissante à la présence de leurs troupes, qui stationnent depuis 1991 sur des bases saoudiennes. Le transfert en était d'ailleurs prévu dans deux semaines vers le Qatar. Et puis cette méfiance à l'égard de l'évolution possible de leur allié saoudien a également joué son rôle dans la préparation de la guerre en Irak, présentée comme un moyen de s'assurer dans la région un second allié, aussi riche en pétrole qui plus est.

Mais voilà, il y a loin de la conquête relativement facile de l'Irak par les troupes américaines à l'instauration dans ce pays d'un régime qui soit un allié fiable des États-Unis. Et cependant cette guerre a certainement encore fragilisé les autres régimes arabes, à commencer par le royaume saoudien. Alors, au lieu des alliés sûrs qu'ils recherchent, les États-Unis risquent de n'avoir que des appuis de moins en moins fiables, tant en Irak qu'en Arabie saoudite ou dans d'autres pays arabes.

Bien sûr, les méthodes utilisées par les organisateurs des attentats sont odieuses. Mais, surtout dans le contexte créé par la guerre en Irak, elles rencontrent sans doute la sympathie d'une grande partie de l'opinion, notamment en Arabie saoudite où, de l'avis général, le personnage de Ben Laden a acquis l'auréole d'un héros osant tenir tête aux États-Unis. L'attentat de Riyad ne peut qu'apparaître comme une vengeance, en petit, contre le terrorisme d'État que l'armée américaine a déchaîné pendant un mois, à coups de bombardements massifs, contre la population civile irakienne. Et cette approbation d'une partie de l'opinion arabe signifie qu'Al Qaeda -ou d'autres- n'auront sans doute aucun mal à recruter des candidats kamikazes pour d'autres attentats.

Bush a promis de mener jusqu'au bout la "guerre contre le terrorisme". Elle sera décidément sans fin, car c'est la politique même de l'impérialisme américain, son agressivité, son arrogance, son avidité à contrôler les richesses de tout le Moyen-Orient, qui nourrit celui-ci.

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