Depuis plusieurs années, la direction de Thomson-Télévision à Angers a dans ses cartons un projet "d'externalisation" de plusieurs services: la filerie, la logistique et la fabrication de châssis de télévisions en plastique.

Pendant longtemps, ce projet a servi surtout de menace permanente pour nous imposer une dégradation de nos conditions de travail: le blocage des salaires, la flexibilité à outrance et une discipline de plus en plus dure à supporter.

Aujourd'hui il ne s'agit plus de menaces, la direction agit. Elle a décidé la mise en place de ces projets et elle le fait avec brutalité et mépris. La première étape a été d'éliminer l'atelier de la filerie, supprimant ainsi plusieurs dizaines d'emplois. Bien sûr, pour débuter, elle n'a pas recouru à des licenciements mais à des mutations dans d'autres ateliers. Mais comme beaucoup d'entre nous avaient déjà été mis dans cet atelier pour des raisons de santé, la mutation sur des chaînes de montage est catastrophique!

Pendant plusieurs semaines, nous avons résisté en faisant des débrayages, des manifs dans l'usine, etc. Les syndicats ont engagé une "procédure d'alerte" et ont refusé de donner un avis au Comité d'entreprise. La direction s'est alors retournée vers les tribunaux pour faire accélérer la procédure. Mais devant la situation locale tendue (fermeture d'ACT et plusieurs autres entreprises menacées), les juges n'ont pas estimé que c'était urgent et ont repoussé leur décision au mois de mai.

Alors, la direction a décidé d'employer les grands moyens: c'est en catimini, comme des petites gouapes, qu'ils ont fait déménager les machines de l'atelier pendant le week-end de Pâques. Comme quoi il n'y a pas que quelques petits patrons qui sont capables d'un tel comportement! La direction d'un grand groupe comme Thomson, bénéficiant de toutes les attentions de l'État (y compris de juteuses commandes d'armement), est capable des mêmes exactions contre les travailleurs.

Et ce n'est pas fini. C'est l'externalisation d'autres services voire de toute la production qui est maintenant à l'ordre du jour puisque, au nom de la recherche de partenaires, l'usine pourrait passer sous le contrôle d'une entreprise chinoise.

Évidemment, aucun d'entre nous n'est dupe quant aux "partenariats" censés sauver nos emplois. Nous avons tous à l'esprit ce qui s'est passé à deux pas, à ACT où plus de 600 camarades ont été licenciés par le "partenaire" auquel Bull les avait vendus en même temps que l'entreprise.

Le scénario concocté par la direction ressemble fort à celui qu'a utilisé Bull et chacun est conscient que la lutte pour sauver nos emplois débute dès maintenant, sans attendre les détails sur la façon exacte dont la direction voudra s'y prendre pour essayer de se débarrasser de nous.

Depuis plusieurs années, la direction se heurte à une résistance de notre part. Il y a d'abord eu la forte mobilisation qui a empêché la vente de l'entreprise à Daewoo, mais aussi de nombreuses petites bagarres, au jour le jour, contre les agressions de la direction. Et c'est la CGT, le syndicat qui organise généralement cette résistance, qui progresse aux élections.

Malgré tous ses efforts, toutes ses manoeuvres, malgré son acharnement sur ceux d'entre nous qui ne se laissent pas faire, malgré sa propagande incessante contre la CGT, elle n'a pas encore réussi à briser cette résistance.

C'est sans doute ce qui l'a conduite avec autant de brutalité à faire déménager les machines pendant un week-end, mais c'est aussi le meilleur atout que nous ayons pour garantir notre avenir.

Et puis nous ne serons certainement pas seuls face à notre direction: une partie des camarades d'ACT est toujours mobilisée et l'émotion suscitée parmi l'ensemble des travailleurs de l'agglomération par les agissements de notre direction nous permettra de trouver des soutiens dans toute la population.