Avril-mai 1943 : L'insurrection du ghetto de Varsovie30/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/05/une1813.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Avril-mai 1943 : L'insurrection du ghetto de Varsovie

À l'aube du 19 avril 1943, quand des unités SS, appuyées par des miliciens ukrainiens et baltes, entrèrent dans le ghetto de Varsovie, elles y furent accueillies à coups de grenades et par des tirs de mitraillettes. La première insurrection de la Seconde Guerre mondiale venait d'éclater.

En avril 1941, les nazis avaient entassé 430000 Juifs dans ce ghetto. Deux ans après, il n'en restait plus que 40000 dont ils pensaient venir facilement à bout. Pourtant, des groupes de combat, mal armés, peu nombreux, allaient les tenir en échec un mois durant. 600 à 700 hommes et femmes épuisés par des années de privations avaient décidé de résister, même sans espoir de vaincre, même avec la certitude de périr au combat, plutôt que de se laisser exterminer docilement.

Pour en venir à bout, l'armée allemande, alors au faîte de sa puissance, dut user de tanks, de canons, et prendre d'assaut immeuble après immeuble. À la mi-mai, tout était fini. Du ghetto il ne restait plus que des ruines. De très rares survivants avaient réussi à fuir par les égouts, quand tout fut fini. C'est à certains d'entre eux que l'on doit le récit de l'insurrection et de sa préparation.

Dès leur victoire militaire de 1939 sur la Pologne, les autorités d'occupation allemandes avaient entrepris d'y opprimer très durement les Juifs. Représentant une fraction importante de la population dans un pays où l'État et l'Église catholique entretenaient de longue date l'antisémitisme, ils étaient pris au piège. Hormis de rares individus (fortunés ou ayant des relations), ils n'avaient nulle part où fuir.

Même avant-guerre, les puissances dites démocratiques (USA en tête) leur avaient fermé les portes, ce contre quoi les trotskystes avaient été parmi les seuls à s'élever. Trotsky, dès les années trente, avait dit, par exemple en 1938, que "même si la guerre est écartée, le prochain développement de la réaction mondiale implique avec certitude l'extermination physique des Juifs". C'est cela qui se mettait en place en Pologne. En avril 1940, les autorités allemandes créèrent un premier ghetto à Lodz, principale ville industrielle du pays. Dans la capitale, il fallut presque toute l'année 1940 pour en constituer un autre.

Derrière ce retour à l'obscurantisme médiéval, c'est l'extermination de la population juive, voulue et planifiée par le nazisme, qui se mettait en branle. Par les massacres et en profitant du fait que les victimes, dans leur immense majorité, voulurent croire jusqu'au bout, comme l'ont rapporté les rares survivants de l'insurrection, qu'elles pourraient échapper au pire.

Car, deux ans durant, malgré les conditions de survie effroyables, malgré les déportations continues de milliers de gens et les bruits qui filtraient sur les camps, ainsi que les récits d'évadés revenus informer le ghetto de ce qui l'attendait, sa population crut en un illusoire répit en s'infligeant à elle-même les sacrifices qu'exigeaient d'elle ses bourreaux. Pour cela, les nazis purent s'appuyer sur une police juive qui assassinait ceux qui s'opposaient à elle, sur un conseil juif qui organisait les déportations et choisissait ainsi entre ceux qui allaient mourir tout de suite et ceux qui allaient mourir un peu plus tard. En à peine deux mois de 1942, les trois quarts des habitants du ghetto partirent dans des trains les menant aux camps d'extermination. Quand reprirent ces déportations de masse, début 1943, 90% des habitants du ghetto avaient déjà péri de faim, de froid, de maladie, abattus dans la rue ou, surtout, dans les camps d'extermination.

Pendant ces années-là, des militants de divers partis et organisations, surtout issus du mouvement ouvrier, socialiste ou communiste, avaient organisé une vie culturelle collective, maintenu des traditions politiques dans le ghetto, édité une presse d'agitation et de propagande, tenté de gagner des sympathies actives. Sans grand succès jusqu'alors. Mais, en ce début 1943, il ne devenait que trop évident pour les survivants que leurs jours étaient comptés. C'est alors que des organisations sionistes, sionistes de gauche, communiste et socialiste (le Bund) créèrent l'Organisation juive de combat, celle qui allait mener l'insurrection. Certes, elle n'avait aucune chance de l'emporter, et les insurgés ne l'ignoraient pas. Mais en faisant le choix de mourir les armes à la main, ils purent se sentir "enfin, libérés de la peur", comme certains d'entre eux, rescapés, l'ont écrit dans leurs Mémoires.

Aujourd'hui, soixante ans après, se déroulent des commémorations où l'on parle de la lutte de l'humanité contre la barbarie. Mais les discours officiels émanent le plus souvent de gens, d'organisations, de gouvernements qui n'ont rien à voir, de près ni de loin, avec le combat des insurgés du ghetto et ce qui les animait. Or, sans ces hommes et ces femmes, ces militants nourris des idéaux du mouvement ouvrier et du socialisme et s'appuyant sur des organisations qui s'en réclamaient, l'insurrection du ghetto de Varsovie n'aurait certainement pas été possible.

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