Décentralisation : Le désengagement de l'Etat24/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/04/une1812.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

Décentralisation : Le désengagement de l'Etat

Derrière le transfert aux régions et aux départements de 110000 travailleurs de l'Éducation nationale, se profile leur disparition pure et simple des établissements scolaires. C'est cette évidence qui met en grève depuis des semaines un nombre croissant de collèges, de lycées et d'écoles, toutes catégories de personnels confondues, et leur assure un peu partout le soutien des parents d'élèves.

Les assistantes sociales scolaires, par exemple, passeraient sous la coupe des départements. Mais alors rien n'obligera plus ceux-ci à les employer dans les établissements d'enseignement. Beaucoup de ces départements, les plus pauvres, manquent déjà cruellement de personnel dans leurs propres services sociaux. Ils pourraient se mettre à boucher les trous en dégarnissant le secteur scolaire. On risque de voir se généraliser la situation qui existe aujourd'hui dans un certain nombre de collèges et de lycées, où le poste d'assistante sociale n'est pas pourvu. Les élèves sont alors priés de s'adresser à l'assistante sociale de leur quartier, elle-même déjà surchargée, ce qui n'a rien à voir avec la possibilité de rencontrer toute l'année dans son établissement une personne qui peut aider à résoudre ses difficultés. De même, les agents assurant l'entretien et la cantine, les TOS, seraient transférés aux départements pour les collèges et aux régions pour les lycées.

Ferry, le ministre de l'Éducation nationale, ne se prive pas de dire qu'il ne fait qu'appliquer les recommandations du socialiste Pierre Mauroy. Après s'être débarrassé en 1983 de la construction et de l'entretien des bâtiments scolaires, celui-ci préconisait, dans un rapport rédigé en 2000, de continuer avec les personnels: "La logique implique maintenant que les 95000 personnes affectées aux tâches d'entretien et de maintenance soient mises à la disposition des collectivités territoriales", disait-il. Sauf que les collectivités en question, échaudées par l'expérience de tous les établissements vétustes dont l'État s'était débarrassé sur elles, ont fait savoir qu'elles ne demandaient rien à personne, et surtout pas d'hériter de la gestion d'un personnel supplémentaire. Elles n'auront donc probablement rien de plus pressé que de se débarrasser du fardeau en sous-traitant cantine, ménage et entretien à des sociétés privées, comme elles le font dans bien d'autres domaines. Ce serait la fin de tout le personnel de service attaché à l'établissement, connaissant enseignants et élèves souvent depuis des années, au profit d'entreprises choisies avec comme seul critère leur coût minimum.

Les conseillers d'orientation-psychologues, eux, tomberaient dans le giron des régions. Ferry, dans une récente interview au Monde, a précisé à quoi ils pourraient bien leur servir: "Des missions en liaison avec la formation professionnelle, déjà pilotée par les régions". Plus de conseiller donc dans les établissements scolaires. Lycéens et collégiens seraient laissés à eux-mêmes pour démêler l'imbroglio des différentes filières. Enfin, les médecins scolaires rejoindraient les départements, qui sauraient bien les utiliser, dans les centres de PMI par exemple, ou à travailler sur les dossiers d'Allocation Personnalisée d'Autonomie, dont ces départements ont hérité sans avoir pour autant plus de personnel. Pour ce qui est des bilans médicaux à l'école, Darcos, l'adjoint de Ferry, n'a-t-il pas précisé qu'ils pourraient être effectués par des médecins de ville, voire des étudiants en médecine?

C'est ce scénario catastrophe que refusent enseignants et parents d'élèves. Comme ils le criaient dans des manifestations: "Des assistantes sociales, on en a besoin. Des TOS, on en a besoin! Des ministres, beaucoup moins! Et Raffarin, encore moins!"

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