Métaleurop: Deux ministres pour signer le " plan social " : mais 830 chômeurs de plus...10/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/04/une1810.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Métaleurop: Deux ministres pour signer le " plan social " : mais 830 chômeurs de plus...

Vendredi 4 avril, les ministres Delevoye et Fillon sont venus en préfecture d'Arras signer avec les délégués de Metaleurop l'accord d'accompagnement du licenciement des 830 salariés de l'usine.

Ils ont souligné le caractère " exemplaire " selon eux de ce plan social. Pourtant, l'État s'est montré bien moins généreux qu'il sait l'être avec les patrons. Les licenciés ne toucheront qu'une prime de 15 000 euros en plus des indemnités de licenciement, bien peu en comparaison des 50 000 euros qu'ils réclamaient. Les autres mesures sont du même acabit : des cellules de reclassement auxquelles personne ne croit dans cette région d'Hénin-Beaumont où le taux de chômage atteint les 30 %, des FNE pour ceux qui ont plus de 54 ans, des plans de conversion à peine rallongés de quelques mois et, au bout du compte, le PARE pour quelques mois supplémentaires.

Les ouvriers ont évidemment jugé cet accord insuffisant. Ils ont fini par l'accepter, ayant le sentiment de ne pas pouvoir aller plus loin dans la lutte. Les actions regroupaient moins de monde ces derniers temps, de même que les assemblées générales. La lutte avait pris la forme d'un enfermement progressif sur le site de l'usine ponctué par des coups de colère : des bulldozers et d'autres engins avaient fini dans le canal, mais il n'y avait plus aucune action pour s'adresser aux autres entreprises.

Cela aurait peut-être permis de changer le cours des choses car la sympathie des ouvriers des entreprises de la région était toujours bien là. Les travailleurs licenciés de l'usine Testut de Béthune avaient touché 28 000 euros quelques semaines auparavant. Mais " eux, ils avaient encore un interlocuteur patronal. Tandis que nous, les patrons étaient partis et il n'y avait plus que l'État en face de nous. Et l'État nous envoyait les CRS... ".

Le mouvement s'arrête donc là. Mais une " association des anciens de Metaleurop ", près de 500 membres, permettra de garder le contact. Car ce que chacun craint, c'est de se retrouver seul face à un avenir très incertain. A la dernière assemblée générale, cela s'exprimait au milieu d'une usine qui a déjà pris l'allure d'une friche industrielle. Tous avaient conscience d'un vaste gâchis. Quand des huissiers sont venus pour prendre les noms de ceux qui jetaient les engins au canal, les travailleurs leur ont lancé : " Allez plutôt vous occuper de faire mettre en prison les actionnaires de Glencore ! C'est eux qui sont responsables du gâchis. "

De l'argent, il y en a pourtant, mais pour les patrons

Si l'on en croit les ministres et le préfet du Pas-de-Calais, tout sera fait pour que le site de Metaleurop soit " réindustrialisé ". Un " contrat de site " devrait être signé prochainement permettant de " recréer 1 000 emplois en quatre ans. " Les promesses, c'est un métier pour les politiciens, mais qui peut les croire ?

Ce contrat de site, disent encore les ministres, serait financé par l'État, le Conseil régional et les Conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais, qui devraient investir ensemble 43 millions d'euros. Distribués aux travailleurs, il y aurait de quoi verser 51 807 euros à chacun des licenciés et de satisfaire cette revendication contrairement à ce qui a toujours été répondu

Le Conseil régional a déjà versé de l'argent aux patrons des entreprises sous-traitantes de Metaleurop. Malgré une avance de 2 millions d'euros consentie rapidement par le Conseil régional, qui prétendait empêcher des licenciements, ces entreprises ont quand même licencié. Le dernier exemple en date, c'est celui d'Alain Zaksas, PDG de la Sofremi, qui licencie 45 travailleurs sur les 111 que compte son entreprise. Et ce monsieur se trouve être justement le président de l'association de défense des sous-traitants !

Le président du Conseil régional, Daniel Percheron, PS, vient d'enfourcher un nouveau cheval de bataille : il voudrait récupérer la Finorpa, une société de capital-risque spécialisée dans les avances aux entreprises. Elle travaillait soi-disant à la reconversion du bassin minier. En fait, elle finançait les entreprises et avait notamment prêté 600 000 euros à Metaleurop. Les actionnaires de Glencore se sont évanouis dans la nature, et avec eux le remboursement du prêt... Qu'à cela ne tienne ! Daniel Percheron voudrait recommencer.

Et maintenant, Metaleurop est une bombe à retardement

On a beaucoup parlé du danger écologique que représentait cette usine. Le danger est encore bien plus grand maintenant qu'elle n'est plus sous contrôle. Les poussières des minerais, qui ne sont plus arrosés, s'envolent petit à petit. Les poussières de zinc et de plomb ne vont plus à la station d'épuration mais partent avec les eaux de ruissellement vers les nappes phréatiques.

Quelques mois avant la fermeture, l'usine avait aussi reçu 5 000 tonnes de " produits " en provenance d'une usine du Texas. L'usine américaine ne pouvait pas les retraiter, disait-on à l'époque. Metaleurop devait le faire grâce à un nouveau procédé et avait acheté ces déchets 300 dollars la tonne. Ces produits sont toujours là, ils ne sont pas traités, et même pas vraiment connus...

Enfin, il reste dans l'usine de très nombreux produits dangereux. De l'arsenic par exemple. Des panneaux annoncent : " Danger arsine ! ", un composé de l'arsenic, gaz très toxique, inodore, inflammable, utilisé pour les armes chimiques !

Vendredi 4 avril, un fait divers est venu rappeler le danger de cette usine abandonnée : des enfants venus jouer sur le site ont emmené un bidon et l'ont brisé " pour voir ". Il s'agissait d'acide sulfurique. L'un des enfants a été brûlé au second degré au visage et au thorax...

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