La recherche scientifique, au régime sec10/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/04/une1810.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La recherche scientifique, au régime sec

Pour comprendre ce que signifiera la politique gouvernementale décidée dans la fonction publique, il suffit de regarder ce qu'elle représente dès aujourd'hui pour la recherche.

La première étape, en septembre dernier, a été la baisse de plus de 15 % en moyenne du budget des instituts de recherche et la suppression de 150 postes aux concours de recrutement des chercheurs. Sachant que le simple renouvellement des personnels nécessite un recrutement de 3 % par an, le gouvernement annonce, lui, un rythme de 2,5 %. La perte sèche sera, en fait, de bien plus de 0,5 % annuel, car les départs à la retraite dans tous les instituts vont monter jusqu'à 6 % des effectifs avant 2010, du fait des forts recrutements des années soixante.

En janvier, la deuxième étape a suivi, avec le blocage des " reports " de l'argent des contrats externes, qui s'apparente à un vol pur et simple par l'État d'argent qui ne lui appartient absolument pas. Depuis de nombreuses années, et cela ne date pas des gouvernements de droite, les équipes de recherche publiques doivent faire appel à des contrats externes - industriels, associatifs ou européens - pour boucler un budget d'État très insuffisant. Dans la recherche biomédicale, par exemple, la part de ces contrats externes dans le financement des laboratoires publics dépasse en moyenne les 50 %. Mais, contrairement aux fonds d'État qui sont liés à l'année civile, ces fonds contractuels ne sont pas entièrement dépensés au 31 décembre de l'année au cours de laquelle ils sont versés. Un jeu d'écriture administratif (les " reports ") les annule donc ce jour-là à minuit et les reverse immédiatement dès les premières minutes du 1er janvier. C'est ce reversement qui a été bloqué cette année, et l'est toujours trois mois après, mettant ainsi de nombreux laboratoires en quasi-faillite.

La troisième étape se situe en mars, avec un " gel " de 30 % des budgets de fonctionnement des instituts, que le ministère des Finances a aussitôt converti pour moitié en suppression pure et simple de crédits

Au final, en six mois, le nombre de personnels de la recherche publique a décru de 0,5 % l'an en moyenne ; les laboratoires de recherche ont perdu 27,75 % de leurs crédits d'État et 12,75 % d'autres ne peuvent plus être perçus par eux. Une chute libre, qui peut être considérée comme un modèle de ce que Chirac et les siens se préparent à faire pour toute la fonction publique !

Les mesures du gouvernement contre la recherche ont reçu des milieux scientifiques l'accueil qu'elles méritent. Le 20 mars, 8000 chercheurs et techniciens ont défilé à Paris, des centaines d'autres à Lyon, Marseille ou Strasbourg, dans ce qui a sûrement été la plus forte mobilisation de la communauté depuis plus de vingt ans.

Lancée la veille par quelques chercheurs marseillais, une pétition appelant par dérision la ministre de la Recherche à démissionner " en solidarité " avec ses ex-collègues a reçu en moins de quinze jours 6 600 signatures. Devant la pression, le ministère a cru jouer finement en renvoyant la responsabilité des difficultés des laboratoires sur les directeurs généraux des grands instituts de recherche, accusés d'avoir soumis les équipes de recherche à des coupes budgétaires " indues "... comme si les directeurs généraux prenaient jamais l'initiative de faire autre chose que ce que le ministère leur dit de faire !

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