Les tartuffes à la française27/03/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/03/une1808.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Les tartuffes à la française

"Que la guerre finisse vite... Les meilleures raisons qui portaient à repousser la guerre, les souffrances qu'elle induit inévitablement, amènent à souhaiter une prompte victoire anglo-américaine qui allégerait le sort des victimes civiles", écrivait l'éditorialiste de Libération, le samedi 22 mars. Les choses sont dites. Libération est pour la victoire de Bush. La plus rapide qui soit. Donc pour ce déversement d'armes de destruction massive américano-anglaises, prétendument destiné à l'accélérer.

L'éditorialiste de Libération n'est pas le seul partisan honteux de la guerre. "Nous étions contre cette guerre, nous continuons à penser que c'était une mauvaise idée. Mais, à partir du moment où elle est déclenchée, comment souhaiter autre chose qu'une victoire la plus rapide possible des Anglo-Américains? Car, après tout, il y a d'un côté une dictature sinistre et, de l'autre, de grandes démocraties..." a déclaré le directeur de rédaction du Nouvel Observateur, Laurent Joffrin.

Jeu politique exige, le PS ne pouvait cependant faire moins que d'avoir une présence minimum aux manifestations anti-guerre, tout en cherchant à ranger l'indignation et l'émotion (surtout des plus jeunes) sous le drapeau de la "légalité internationale", c'est-à-dire de la domination des grandes puissances sur le monde. Fabius, qui défilait à la manifestation du 22 mars, n'oubliait pas de dire qu'il espérait que "les choses iront le plus vite possible, avec le moins de destructions possible, puis il faudra très vite s'atteler à la reconstruction parce que ce n'est pas en installant un général américain durablement en Irak qu'on va régler les problèmes dans cette région du monde".

Exactement le langage de Chirac.

Qu'importe, pour tous ces gens-là, que le sang coule sur les champs de pétrole irakiens, pourvu qu'il coule suffisamment vite et fort pour ne pas laisser le temps de la révolte aux peuples du Moyen-Orient. Et pourvu que l'essence irakienne, raffinée par Esso, BP, et si possible aussi par TotalFinaElf, coule dans les réservoirs et fasse carburer les profits!

Car la principale préoccupation des dirigeants politiques français, de gauche comme de droite, est de donner sa meilleure chance à l'impérialisme français de réintégrer le jeu, prendre place dans la gestion de l'après-guerre. Tous prêts à participer à l'occupation militaire du pays, à la manne pétrolière et aux marchés de la reconstruction, si les USA veulent bien ou plutôt si ça les arrange. C'est ce qu'ils appellent ramener au plus vite "nos alliés" dans la légalité et "dans le cadre des Nations Unies, seul cadre légitime pour construire la paix", la paix selon Chirac.

De Chirac aux dirigeants du PS, personne n'a jamais été, sur le fond, contre la guerre d'Irak. Le Nouvel Observateur du 20 mars rappelle qu'à la fin décembre 2002, Chirac avait envoyé un général français en émissaire au Pentagone, pour discuter des conditions d'intégration d'une force française de 15000 hommes et d'une centaine d'avions au dispositif militaire anglo-américain. Et on se souvient comment, lors de ses voeux de nouvel an à l'armée, il l'avait exhortée à se tenir prête à intervenir. Chirac a seulement choisi de marchander ferme son éventuelle participation. Et les dirigeants socialistes ne pouvaient pas se montrer moins "fermes" que lui.

Seulement, la guerre en Irak n'est ni fraîche, ni courte, ni joyeuse. Les envahisseurs américains et britanniques ne sont pas les "libérateurs". La population irakienne, même opprimée par Saddam Hussein, n'a aucune raison de prendre pour des sauveurs ceux qui, depuis dix ans, lui ont imposé la misère engendrée par l'embargo et les bombardements périodiques. Y compris ses fractions kurdes ou chiites qui ont le plus souffert du joug de la dictature, ne sont pas assez crédules pour croire qu'elles auraient davantage de liberté et de bien-être sous un protectorat militaire américain direct, ou une potiche à la botte des USA. Elles doivent se souvenir comment ces mêmes USA les ont livrées à la soldatesque de Saddam, pas plus tard encore qu'après la première guerre du Golfe. D'où une résistance apparemment sévère, du Sud au Nord du pays, en passant par celle qui se prépare à Bagdad. Dans ce contexte, semble bien dérisoire la propagande des bonnes âmes de la gauche française qui affirment qu'avec la victoire américaine "On pourra enfin entendre la propre voix des Irakiens", comme l'écrit encore Libération!

S'il y a quelque chose à souhaiter, ce n'est pas que l'offensive américaine soit courte ou brève, c'est qu'elle déclenche en retour une guerre des populations de la région contre les agresseurs impérialistes; c'est que la plus grande puissance impérialiste du monde n'ait pas mesuré le faux pas de trop qu'elle a commis; c'est qu'elle soit défaite ou, au moins, qu'elle connaisse des revers spectaculaires. Oui, souhaitons que la tempête du désert, et d'ailleurs, se lève vraiment contre ceux qui l'on déclenchée.

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