Muret (banlieue toulousaine) : Un boulot béton20/03/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/03/une1807.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Muret (banlieue toulousaine) : Un boulot béton

La société ODP, filiale d'un des leaders mondiaux de la préfabrication du béton, fabrique des blocs qui composent le tunnel du futur métro de Toulouse. Derrière ce projet que l'on nous présente comme étant ultra- moderne, se cache une exploitation des plus crasses.

Nous sommes une vingtaine de travailleurs à la production, tous intérimaires. Les équipes se relaient en deux fois sept heures, sans pause, avec juste vingt minutes pour les chanceux qui se voient faire des heures supplémentaires obligatoires pendant les pointes de production.

Le contremaître, lui aussi intérimaire, passe son temps à épier la moindre pause sauvage ou, suivant son humeur, à nous faire faire des tâches physiques dans le seul but de nous briser, tel que ramasser des madriers éparpillés sur tout le parc pour en faire des tas en un temps record à la seule force de nos bras.

Récemment, nous sommes passés à côté d'une catastrophe. Les blocs de béton sont stockés les uns sur les autres, formant des piles qui peuvent atteindre 4 à 5 mètres de hauteur, et c'est sur un sol meuble que reposent ainsi jusqu'à 26 tonnes. La pluie a eu raison de l'une de ces piles, entraînant par effet domino celles qui se trouvaient à côté. Quelques minutes plus tôt, et les ouvriers qui passaient par là se retrouvaient broyés. Celui qui devait travailler aux finitions a eu lui aussi de la chance: ses collègues avaient empêché la veille le contremaître de lui faire faire ce travail.

Deux mois plus tôt, un grutier a eu la main écrasée entre deux blocs. Les jointeurs, qui ont dû se renseigner eux-mêmes sur les produits dangereux qu'ils utilisent, notamment du toluène, ont les plus grandes difficultés pour obtenir régulièrement masques et gants. Les maçons ont les articulations qui craquent à force de tirer le béton à la chaîne. Et la liste est encore longue.

C'est avec cynisme et racisme que nous sommes considérés comme de la chair à profit et c'est parfois la peur au ventre qu'il nous faut travailler. Alors nous nous tenons chaud entre ouvriers, parlant du contremaître et du patron, mais aussi de la guerre et du chômage. Leur exploitation nous use mais ne nous décourage pas, et peut-être un jour la colère éclatera...

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