Alstom Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : Les travailleurs indiens font grève et manifestent20/03/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/03/une1807.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Alstom Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : Les travailleurs indiens font grève et manifestent

Sur 13000 travailleurs actuellement présents aux Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, 8000 sont des intérimaires ou des sous-traitants, venus des quatre coins de la France et du monde: italiens, espagnols, croates, roumains, portugais, polonais ou même indiens!

Les travailleurs étrangers sont près de 2500. Les patrons des Chantiers de l'Atlantique les ont fait venir, sous prétexte qu'ils ne trouvaient pas de main-d'oeuvre locale. Evidemment, la vraie raison était tout autre! Leur seul souci: comment sortir des paquebots dans des temps records et à moindre coût?

Les Chantiers de l'Atlantique, une des branches du groupe Alstom, sont subventionnés à coups de milliards depuis des dizaines d'années. Non seulement ils n'ont pas investi, mais ils réduisent sans cesse les coûts de production. Et ce sont les travailleurs qui ont payé cette politique durant ces dernières années.

Ceux qui en payent le prix le plus fort sont les travailleurs des entreprises de sous-traitance, les intérimaires et surtout les travailleurs étrangers que des petits patrons peu scrupuleux exploitent encore plus!

Entre autres, la société italo-indienne AVCO a recruté près de 300 Indiens venant de Bombay pour travailler sur la construction du Queen-Mary2, le paquebot qu'on nous présente comme celui de "tous les rêves". Ces travailleurs, particulièrement qualifiés, travaillent en tuyauterie, ventilation ou électricité. Ils sont hébergés dans des centres de vacances aux alentours de Saint-Nazaire, à trois par chambre ou même à six comme à Saint-Brévin par exemple.

Leur patron leur avait retiré leurs passeports et retenait directement sur leur bulletin de salaire des prétendus acomptes qu'ils n'ont jamais touchés et qu'il se gardait au titre de l'hébergement, des repas et des transports. Rien que pour le logement, c'est 350 euros qui étaient retirés par personne. A six dans une chambre, on imagine le pactole! Payés officiellement au SMIC à 1052 euros, il ne leur restait en fait qu'entre 300 et 350 euros chaque mois.

Transportés en car de leur lieu de travail à leur lieu d'hébergement (souvent en rase campagne), ces travailleurs n'avaient aucune possibilité de sortir et de toute façon n'en avaient pas les moyens financiers.

Mais aux Chantiers des milliers de travailleurs se côtoient, discutent, comparent les salaires, les déplacements (même si on ne parle pas la même langue), qu'ils soient français, roumains, italiens et les travailleurs indiens ont vu que ça ne faisait pas le compte. Ils ont demandé l'aide des syndicats des Chantiers et ont mis les pieds dans le plat.

Jeudi 13 mars, ils se sont donc mis en grève et ont manifesté dans les rues de Saint-Nazaire, en bleu, le casque vissé sur la tête, pour aller jusqu'à la mairie. Il faut dire que c'était assez impressionnant, d'autant plus que c'était la première manifestation ouvrière de ce type depuis des années!

Ils ont d'abord obtenu de retrouver leurs passeports et la fin du soi-disant acompte retenu sur leur bulletin de salaire. Mais le mouvement a continué pour l'obtention, notamment, d'un salaire équivalant à ceux pratiqués dans leur métier en France, d'une prime de grand déplacement, du paiement d'un voyage aller-retour vers l'Inde en cours de contrat.

Mardi 18 mars, jour où leurs représentants accompagnés de la CGT et de la CFDT rencontraient leur patron, ils sont à nouveau unanimement repartis en grève. Ils se sont rassemblés au pied de la salle où se déroulaient ces négociations, autour d'un grand drapeau rouge déployé. Leur patron a alors cédé sur le paiement du logement et d'une prime de repas, ce qui les ramène au même niveau que les salariés roumains de la même société AVCO.

Ces premiers reculs de leur patron ont été accueillis avec joie et ressentis comme une première victoire.

Il faut noter que les politiciens et notables locaux ont fermé les yeux et vont continuer à les tenir bien fermés sur l'exploitation particulièrement honteuse des travailleurs étrangers aux Chantiers, tant ils sont du côté des exploiteurs! On a vu, il n'y a pas longtemps, lors d'une enquête sur France3, concernant justement les conditions de vie des Indiens ici, comment ils se sont tous débinés pour ne pas répondre au journaliste, du PDG des Chantiers au maire de Saint-Nazaire, en passant par la Direction départementale du travail.

Mais il en va des Indiens comme de tous ces travailleurs croates, roumains, italiens et même français obligés de dormir dans une voiture en attendant de toucher une première paye pour pouvoir louer une chambre! Si l'exploitation est internationale, la lutte des travailleurs l'est aussi. Et aux Chantiers, la lutte des Indiens a gagné la sympathie et le respect de très nombreux travailleurs!

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