Grande Bretagne : L'opposition à la guerre, côté parlement et côté rue13/03/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/03/une1806.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande Bretagne : L'opposition à la guerre, côté parlement et côté rue

Tandis que le déploiement des forces britanniques dans le Golfe, qui était jusqu'ici plus rhétorique que réel, monte en puissance, Blair s'efforce de donner le change face à l'opposition croissante dans les rangs de son propre parti.

Dernière expression en date de cette opposition, le coup d'éclat savamment calculé de la secrétaire d'État à la Coopération, Clare Short, annonçant sans crier gare devant les caméras de télévision qu'elle entendait démissionner du gouvernement si Blair engageait les troupes britanniques dans la guerre sans l'aval de l'ONU. La veille, le chargé d'affaires parlementaire du ministre de l'Industrie était déjà passé aux actes. Depuis, plusieurs parlementaires occupant des positions subalternes autour du gouvernement ont annoncé leur intention de suivre cet exemple. Entre-temps, en l'espace de quinze jours, le nombre des députés travaillistes ayant pris position publiquement contre une intervention britannique hors du cadre de l'ONU est passé de 122 à 250, soit plus de la moitié du groupe travailliste à la Chambre des communes. Même la direction de la centrale syndicale TUC, qui avait gardé jusqu'alors un silence prudent, a désormais rejoint les rangs de cette opposition, même si c'est en usant des termes les plus mesurés possible.

Il faut dire que les députés travaillistes ont de quoi s'inquiéter. Car le processus de sélection des futurs candidats du parti aux prochaines élections législatives (prévues pour 2005-2006 au plus tard) vient de commencer. Or, malgré une procédure conçue pour permettre à l'appareil d'imposer ses choix aux organisations locales, les deux premiers députés à se soumettre à cette procédure ont été évincés sans cérémonie, du fait de leur soutien inconditionnel à Blair sur la question de la guerre.

D'où la bousculade soudaine des députés représentant des circonscriptions "sensibles" pour prendre leurs distances vis-à-vis de Blair. Distances toutes relatives, néanmoins, car en dehors d'une poignée d'entre eux, ces "oppositionnels" ne mettent pas en cause le fait d'aller massacrer la population irakienne, pourvu que ce soit avec des missiles et des troupes arborant les couleurs de l'ONU!

Blair mesure d'ailleurs très bien les limites de cette "opposition". Mieux, il cherche à s'en servir pour retourner la situation en sa faveur. Ainsi a-t-il multiplié les propositions de concessions symboliques, comme par exemple l'allongement de l'ultimatum prévu par la résolution américaine, sans doute afin de prouver qu'il aura tout fait pour assurer l'aval de l'ONU à cette guerre, dont il a le cynisme de dire qu'elle est un "devoir humanitaire".

Ce jeu politicien suffira-t-il à désarmer l'opposition à la guerre qui existe dans la population britannique? L'avenir le dira. Mais pour l'instant, ce n'est pas le cas, ni dans la population en général, ni surtout dans la jeunesse.

C'est ainsi que, le 5 mars, on a assisté à un événement sans précédent dans les annales d'un pays où les grèves lycéennes sont pour ainsi dire inconnues. Ce jour-là, répondant à un appel diffusé de bouche à oreille, par internet et par textos, des dizaines de milliers de jeunes ont pris les autorités par surprise en désertant en masse leurs lycées dans tout le pays et en organisant des sit-in contre la guerre. A Londres, sous les yeux de policiers éberlués, plusieurs milliers d'entre eux ont convergé vers la Chambre des communes et la résidence de Blair, à Downing Street, armés de pancartes contre la guerre et de sacs bourrés de pétitions.

Sans doute cette manifestation de la jeunesse ne pèse-t-elle pas plus dans les choix de Blair vis-à-vis de l'Irak que la mobilisation du 15 février, ou que l'opposition de l'opinion publique dans son ensemble. Mais elle contribue à alimenter le climat d'opposition actuel contre la guerre et à lui donner un dynamisme que les états d'âme de politiciens avant tout inquiets pour leurs carrières ne sauraient lui donner.

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