Peugeot-Sochaux : Une scission de la CGT au nom de l'apolitisme06/03/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/03/une1805.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Peugeot-Sochaux : Une scission de la CGT au nom de l'apolitisme

Le 3 septembre 2002, la commission exécutive de la CGT de Peugeot-Sochaux (44 membres réunis sur 46) décidait à la majorité, à la suite du congrès de juillet, de changer de secrétariat, retirant cette responsabilité à Lorris Dall'o et à son équipe qui étaient en place depuis treize ans. Il y eut 24 voix pour le nouveau secrétariat, 19 voix pour l'ancien et un bulletin blanc. Depuis, quelques journaux, dont Le Monde, ont rapporté ces faits, en citant les propos de l'ancien secrétaire de la CGT, qui affirme être "victime d'un putsch organisé par Lutte Ouvrière et le PCF, qui se sont ainsi emparés de la direction du syndicat".

La vérité est plus simple... et moins glorieuse pour l'équipe sortante.

Au congrès de juillet, la commission financière de contrôle du syndicat (CFC) a refusé d'accorder son quitus à l'équipe sortante, le rapporteur lui délivrant un carton rouge. Ce rapport accablant fut voté par l'écrasante majorité des délégués, l'équipe sortante s'abstenant.

Une étude ultérieure de la CFC, destinée aux 380 syndiqués CGT de l'entreprise, a fait apparaître que, sur les fonds récoltés grâce au versement au syndicat de 10% des indemnités touchées par les militants au titre de l'indemnisation de la discrimination syndicale dont ils avaient été victimes, soit 800000 francs, plus de la moitié de ce petit trésor de guerre (455 700 francs) devait être classée comme "dépenses injustifiables et injustifiées".

Incapables d'apporter des explications comptables -le trésorier sortant disant avoir mis au feu les livres de comptes des exercices précédents- les responsables syndicaux mis en cause se sont alors engagés dans une campagne visant à accréditer "un complot, un putsch", affirmant sans rire: "Nous avons oeuvré pendant des années pour nous démarquer du PCF, et voilà qu'on nous impose LO".

En pleine campagne pour les élections de délégués du personnel et au Comité d'entreprise, et pour les élections prud'homales, qui avaient lieu toutes les trois en décembre 2002, et profitant du fait que la nouvelle direction de la CGT ne souhaitait pas mettre sur la place publique ce problème de dépenses sans justificatifs, Lorris Dall'o et son entourage ont commencé (alors qu'ils étaient eux-mêmes présentés sur les listes CGT) à affirmer qu'ils avaient été écartés par un complot politique. S'ils avaient bien été écartés du secrétariat, ils continuaient à appartenir à la Commission exécutive.

La veille des élections de délégués du personnel, un tract non signé, intitulé "CGT oui, LO non", publiait les photos de plusieurs dizaines de militants, en les affublant d'une étiquette politique, souvent sans aucun rapport avec la réalité: LO, PCF, LCR ou PT!

Cela n'a guère ému les travailleurs de Peugeot, qui dans leur majorité (52% des voix dans le collège ouvrier, comme lors des élections précédentes) ne voient pas en quoi des militants de Lutte Ouvrière, par ailleurs militants de la CGT depuis plus de trente ans pour certains, ne pourraient pas occuper des responsabilités, y compris au secrétariat du syndicat.

En janvier 2003, Dall'o et son équipe, après s'être faits élire sur les listes CGT, ont finalement créé un syndicat SUD, une vingtaine de militants passant à ce nouveau syndicat. Ce sera donc le septième syndicat existant sur l'usine.

Faisant profession de foi de lutte contre ce qu'ils appellent l'emprise de LO et du PCF (dont Dall'o est lui- même un ancien adhérent, avant de s'être tourné un temps vers les reconstructeurs), la direction de SUD-Peugeot, qui se dit opposée à ce que des militants politiques puissent occuper des responsabilités syndicales, s'est d'emblée placée sur le terrain de l'apolitisme. C'est une manière de dissimuler un choix politique qui n'est évidemment pas celui de la lutte de classes.

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