Charters de Sarkozy : Non aux expulsions!06/03/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/03/une1805.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Charters de Sarkozy : Non aux expulsions!

Pendant que, côté jardin, Chirac se pose en champion de la paix et des bonnes relations avec les pays pauvres, côté cour, le gouvernement Chirac-Raffarin-Sarkozy vient de procéder, lundi matin 3 mars, à l'expulsion manu militari de 24 Sénégalais et 30 Ivoiriens, tous sans papiers. Les autorités, qui ont préparé cette "reconduite groupée" dans le secret, invoquent cyniquement la nécessité de "désengorger" la zone de rétention de Roissy. Mardi 4 mars, plusieurs centaines de manifestants ont crié leur protestation face à cette politique révoltante, parmi lesquels se trouvait notre camarade Arlette Laguiller.

Mais expulser des milliers de sans-papiers, "désengorger", comme le projette cyniquement le ministre de l'Intérieur, les zones de transit des aéroports et les centres de rétention ne peut se faire sans recourir à des méthodes violentes, inhumaines qui montrent que la France est aussi un pays où les droits les plus élémentaires sont bafoués. Pour embarquer à bord des avions les expulsés, les policiers utilisent des baillons adhésifs, des cocktails somnifères, des bandes Velcro, on comprime le thorax et, s'ils protestent encore, les récalcitrants ont la tête enfouie dans un coussin étouffeur de cris. L'essentiel est que les passagers n'y voient rien. Et tant pis si, comme l'Éthiopien Mariame Getu Hagos ou l'Argentin Ricardo Barrientos, que l'escorte avait maintenus pliés, la tête dans les genoux pendant de longues minutes, pour les empêcher de crier, les récalcitrants meurent lors de leur embarquement forcé.

Le manuel fourni aux policiers chargés de ces basses oeuvres et cité par Libération, témoigne à sa manière de ces pratiques. Il précise: "Il faut toujours embarquer l'étranger avant les passagers, en général un quart d'heure avant. L'installation sur le siège arrière doit être réalisée rapidement, car observée par l'équipage. En cas de difficultés, celui-ci risque de demander au commandant de bord de faire débarquer l'escorte et l'éloigné (comme on appelle pudiquement celui qu'on expulse). Si les entraves doivent être maintenues pendant le vol en raison de l'attitude agressive de l'éloigné, l'escorte utilisera la couverture remise aux passagers de façon à dissimuler les membres entravés du reconduit et prévenir ainsi toute interrogation ou éventuelle prise à partie." Ces consignes montrent bien que le personnel navigant et les passagers ne laissent pas toujours faire.

Cette façon de faire s'appelle pour la police "la procédure habituelle". C'est celle qui doit s'appliquer à ceux qu'on embarquera de force et qui s'entassent à Roissy, dans la "zone d'attente", immigrés dont la situation n'a pas encore été examinée et "interdits du territoire" qui ont réussi à éviter l'embarquement forcé. Ils sont enfermés à plus de 400 dans des locaux prévus pour 300 et ne permettant pas ne serait-ce qu'une hygiène minimum.

Nicolas Sarkozy, les yeux fixés sur l'horizon des 10000 éloignements forcés qu'il a donné comme objectif à sa police, n'entend pas s'arrêter à de tels problèmes humains. Il voudrait faire son sale boulot sans que les équipages des lignes normales y voient rien, sans que les employés des aéroports y voient rien, sans que les passagers s'indignent. Alors quoi de plus efficace finalement que ces avions affrétés spécialement pour la circonstance, embarquant des dizaines d'immigrés dans un endroit discret? Cela contredit l'article 4 du protocole additionnel n°4 à la Convention européenne des droits de l'homme selon lequel "les expulsions collectives d'étrangers sont interdites". Mais qu'importent ces règlements au gouvernement Chirac-Sarkozy. Dans ces fourgons cellulaires volants, les escortes policières veulent pouvoir faire ce qu'elles veulent, sans témoin. D'autres ministres de l'Intérieur ont déjà expérimenté la méthode. À droite, Charles Pasqua s'y était tristement illustré en renvoyant d'un seul coup, spectaculairement, 101 Maliens. La gauche aussi avait eu ses charters quand Edith Cresson était Premier ministre. Mais les promoteurs de cette sinistre méthode avaient dû constater qu'elle n'empêchait pas les expulsés de faire entendre leur protestation. Et Jean-Louis Debré, alors ministre de l'Intérieur, n'a peut-être pas oublié comment, en février 1997, 77 expulsés maliens s'étaient mutinés à bord, malgré une forte escorte policière. L'avion avait été incendié et partiellement détruit à son arrivée à Bamako.

Si le gouvernement Chirac-Sarkozy veut démontrer qu'il est capable de faire du Le Pen sans Le Pen, il n'a qu'à continuer dans cette voie. Mais les expulsions par charters ou par "vols groupés" comme dit l'actuel gouvernement, cela se voit quand même. Et si non seulement les expulsés, mais les passagers et l'équipage protestent, et aussi tous ceux que ces méthodes indignent, il faudra bien que le gouvernement recule.

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