Pour l’Irak comme pour le reste, Chirac n’est pas dans le même camp que nous27/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1804.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pour l’Irak comme pour le reste, Chirac n’est pas dans le même camp que nous

"Vive Chirac", tel est le cri de ralliement actuel des leaders de l'ex-gauche plurielle, pour la seconde fois en quelques mois. Ils nous avaient fait une première fois le coup, lors de l'élection présidentielle. C'était pour "éviter le pire" nous expliquait-on.

Et on a eu Sarkozy, son cinéma et surtout ses lois. On a eu Raffarin allant applaudir le Medef, lorsque celui-ci se plaignait que cela n'allait pas assez vite dans le démantèlement des retraites des salariés. En fait, on a eu la politique de la droite dans toute sa splendeur, dans toute son arrogance. Si c'est cela éviter le pire! On nous refait maintenant la même opération à propos de l'Irak. Chirac serait, aux yeux des leaders de ce que l'on n'ose même plus appeler l'opposition, le dernier obstacle à la politique belliciste de Bush. Et ceux qui ne s'alignent pas sont voués à l'anathème, accusés de diviser le front anti-guerre (voir la réaction d'un dirigeant du PCF, que nous commentons en page 2). On supplie "notre" président d'utiliser son droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, on le félicite d'être devenu le chef de file, avec son compère Schroeder, de ceux qui, pour l'instant, -et jusqu'à quand?- n'épousent pas encore la démarche de Bush et ceux qui se rallient à lui, les Berlusconi, Aznar et quelques autres.

C'est une duperie, non pas que les journalistes, les politiciens qui la mettent en place soient eux-mêmes dupes, mais parce que c'est une mise en scène destinée à tromper la population.

Car Chirac non seulement ne se situe pas, et il tient à le rappeler, hors du camp de l'impérialisme américain vis-à-vis duquel il multiplie non sans flagornerie les éloges, répétant qu'il le considère toujours comme le gendarme en chef de ce camp. Mais de plus il n'est pas et ne s'est jamais prononcé contre la guerre qui se prépare. Il n'en a jamais contesté la légitimité, se bornant à s'installer dans la position commode de celui qui dit qu'il faut épuiser tous les recours avant d'en arriver à l'intervention. Il n'est même pas dit qu'il se maintiendra jusqu'au bout dans une telle posture. Il n'est même pas dit qu'il décidera d'opposer son veto au Conseil de sécurité. Ni lui, ni Villepin, ni les autres pseudo-opposants à Bush ne se sont engagés sur cette question, alors qu'il serait pourtant facile de dire aujourd'hui ce qu'ils vont faire demain. Et surtout, et personne ne peut l'ignorer, même si la France mettait son veto, même si l'ONU n'avalisait pas l'intervention américaine, cela ne l'empêcherait pas. Bush et son escorte de va-t-en-guerre de la Maison-Blanche ne cessent pas de le répéter.

Mais explique-t-on, même si l'impérialisme américain reste, en fin de compte, maître de la décision, Chirac aura au moins été le petit caillou dans la chaussure de Bush. Et puis, ajoute-t-on hypocritement, les délais pourraient laisser le temps à Saddam de satisfaire aux exigences de Bush. Comme si l'attitude de celui-ci face à ces exigences était la véritable raison qui peut décider le président américain à s'engager ou au contraire à renoncer à faire la guerre. Qui peut croire à une telle fable?

Quoi qu'il fasse, Chirac pourra dire qu'il aura tout essayé. Ses soutiens, de droite ou de gauche, pourront dire qu'eux aussi ont joué leur rôle, mais qu'à l'impossible nul n'est tenu. Le résultat de ces gesticulations, c'est que la position politique et morale de Chirac s'en trouvera confortée. Ce sera sans effet sur la guerre qui se prépare, mais cela ne le sera pas au plan intérieur.

Ces dirigeants de gauche qui contribuent à mettre Chirac sur un pavois, lui construisant son image d'homme providentiel, agissent peut-être contre eux-mêmes. Mais c'est là leur problème. Par contre leur attitude n'est pas sans conséquence, au-delà même de la question de la guerre contre l'Irak, sur le reste. Car ce même Chirac à qui l'on confère un crédit illimité est aussi celui qui, avec son équipe, les Raffarin, les Sarkozy, les Fillon, s'attaque aux retraites, à l'accès aux soins, aux services publics. C'est ce même Chirac et cette même équipe qui encouragent les Sellière et les siens à licencier à qui mieux-mieux, et qui mènent une vraie guerre au monde du travail.

Et les louanges que la gauche lui tresse en ce moment -que cela soit de bonne ou de mauvaise grâce, cela ne change rien- contribuent à tresser des liens dont la droite se servira pour tenter de ligoter les classes populaires.

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