Île de la Réunion : Huit mille travailleurs dans les rues contre la politique de Chirac-Raffarin27/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1804.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Île de la Réunion : Huit mille travailleurs dans les rues contre la politique de Chirac-Raffarin

Raffarin avait dit vouloir rendre visite à la Réunion avant les autres départements d'outre-mer, parce que l'île était confrontée au plus fort taux de chômage des départements français: plus de 30%. Mais lui qui aime se présenter comme un "homme de terrain" n'a pas été jusqu'à aller rencontrer les 8000 manifestants qui ont défilé le 21 février contre sa politique. Le "terrain" de Raffarin est plutôt celui, bien protégé, des assemblées de patrons, de politiciens respectueux de l'ordre établi, du préfet et des représentants de différents sectes religieuses.

A la Réunion, le chiffre des chômeurs, qui était un temps quelque peu retombé, a de nouveau augmenté ces derniers mois. Cela est dû aux licenciements, bien sûr, mais aussi au manque chronique d'emplois pour les milliers de jeunes qui arrivent chaque année sur le mal-nommé "marché du travail".

Le gouvernement Jospin avait mis en place dans l'île 9000 contrats emplois-jeunes (CEJ) soi-disant pour offrir une solution d'attente aux chômeurs âgés de 20 à 25 ans, possédant au moins le bac et ne pouvant même pas prétendre au RMI. Le gouvernement de droite qui lui a succédé a tout de suite annoncé que ce dispositif allait être supprimé et serait remplacé par un autre type d'emplois-jeunes, les contrats jeunes, ouverts à ceux âgés de 16 à 22 ans et n'ayant pas le bac. Une aide de 15000 euros par an et par emploi serait allouée aux patrons du secteur privé qui les embaucheraient, couvrant ainsi la quasi-totalité du salaire et des cotisations patronales de ces emplois-jeunes.

L'annonce de la fin des CEJ a évidemment créé un fort mécontentement parmi les milliers de jeunes visés par cette mesure. C'est pourquoi ils avaient déjà manifesté à 2000 dans les rues de Saint-Denis, à l'occasion de la venue de Girardin, la ministre des DOM, le 18 septembre dernier. Afin de calmer le jeu, le gouvernement avait alors annoncé une prolongation d'un an pour les CEJ arrivant en fin de contrat.

Les CEJ se sont retrouvés nombreux en tête de la manifestation du 21 février appelée par leur Collectif emplois en danger, AC, mais aussi par une intersyndicale composée de la CGTR, la CFDT, la CFTC, FO, UNSA, et la FSU. Des travailleurs des docks, de La Poste, des Télécom, d'EDF, de l'Education nationale, du bâtiment, de la santé, mais aussi des chômeurs se sont donc retrouvés. Cela faisait longtemps que l'on n'avait pas vu une telle manifestation dans les rues de Saint-Denis. Les manifestants réclamaient un emploi pour tous, la transformation des contrats précaires en emplois permanents, la retraite à 60 ans au bout de 37,5 ans de cotisation. Tous s'opposaient en revanche aux privatisations des services publics et à la décentralisation, synonyme de moyens financiers en baisse, voire de diminution des salaires pour les ATOS par exemple.

Du côté gouvernemental, tout avait été prévu pour que Raffarin, Girardin et les 800 représentants du gratin des "décideurs" économiques et politiques de l'île puissent colloquer en toute quiétude: doubles barrières métalliques, laissant une distance de sécurité de plusieurs dizaines de mètres entre l'entrée du théâtre de Champ-Fleury et les manifestants, ainsi que de nombreux CRS suant sous leurs carapaces de protection.

Les manifestants ont ainsi pu voir les députés, sénateurs, maires de droite et de gauche longer les murs pour s'engouffrer dans le théâtre. Chaque apparition d'une personnalité de droite était saluée par des invectives dénonçant leur complicité avec la politique antiouvrière du gouvernement. Seuls les responsables du Parti Communiste Réunionnais, avec à leur tête Paul Vergès, l'actuel président de la Région, sont venus au-devant des manifestants. Vergès déclara alors, comme pour se justifier, que les représentants du PCR à l'intérieur et les manifestants à l'extérieur faisaient partie du même camp. Il s'avança même à dire que la transformation en emplois permanents de tous les emplois précaires travaillant en mairie était en bonne voie.

Vergès a été applaudi par ses partisans mais d'autres manifestants n'avaient pas oublié, eux, la responsabilité de la gauche, et en particulier celle de Vergès, dans les problèmes que rencontrent aujourd'hui les travailleurs de la Réunion. D'ailleurs, Vergès continue toujours à réclamer plus de cadeaux pour le patronat réunionnais, sous prétexte de handicaps divers que ces derniers rencontreraient: concurrence des pays de la zone à coût salarial faible (Madagascar, Maurice), éloignement de la métropole, etc. Les même arguments sont bien sûr repris par le Medef-Réunion pour obtenir toujours plus de subventions. Le jour précédant la venue de Raffarin, le patronat a dénoncé dans les quotidiens de l'île l'insuffisance des mesures prévues dans la loi-programme, estimant qu'elles leur apporteraient, dans certains cas, moins que les dispositions de la loi d'orientation pour l'outre-mer qu'avaient initiée le PS et... le PCR!

La mobilisation réussie du 21 février doit maintenant avoir une suite et s'amplifier. Car pour les plus pauvres, c'est aujourd'hui qu'il faut imposer les solutions d'urgence au chômage, au travail précaire, aux bas salaires et à la misère, et pas d'ici quinze ans, comme le prévoit cyniquement la loi-programme du gouvernement.

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