Dammarie-lès-Lys (Seine-et-Marne) : Harcèlement policier et judiciaire27/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1804.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Dammarie-lès-Lys (Seine-et-Marne) : Harcèlement policier et judiciaire

A son arrivée au ministère de l'Intérieur, Sarkozy avait dit qu'il ferait de Dammarie-lès-Lys, et plus particulièrement de sa cité La Plaine du Lys (10000 habitants), le "laboratoire de sa politique". La situation sur place était plus que tendue puisque, à l'époque, deux jeunes de la ville avaient trouvé la mort en moins d'une semaine. A chaque fois, la police était impliquée et responsable.

Ces deux drames ont ravivé la douleur et la colère de nombreuses familles du quartier, car cinq ans plus tôt, un jeune de seize ans avait déjà été tué par balle par un policier. Les jeunes, déjà engagés depuis de nombreuses années dans des actions associatives de quartier, se sont organisés en comité de soutien aux familles pour exprimer leur colère contre les pratiques policières et exiger que justice soit faite. Ils ont édité et diffusé des tracts, manifesté, ils se sont fait entendre dans les médias...

En réponse, ils ont eu droit à la première intervention du GIR (Groupe d'Intervention Régional) de la police; ils ont vu une de leurs associations expulsée de son local (la justice a reconnu depuis que cette expulsion était illégale); Nicolas Sarkozy en personne a porté plainte contre deux des dirigeants du mouvement au sujet d'un tract dénonçant l'implication de la police dans les décès des jeunes du quartier (finalement, le juge d'instruction ne les poursuit pas, mais en poursuit d'autres...); les autorités locales les méprisent en refusant aux différents comités et associations concernés toutes les autorisations de manifester et les moyens de se réunir; le maire a même osé, du haut de ses préjugés, les traiter de "petits terroristes de banlieue".

Or depuis un an, sur sa commune, ce sont les violences policières qui font la une de l'actualité. La police organise régulièrement des descentes à 30, 50 voire 70 policiers avec chiens et flash-balls dégainés pour fouiller les parkings ou pour contrôler les immeubles. De nombreux jeunes sont poursuivis pour des "outrages à agents" totalement inventés ou provoqués par les policiers. Les jeunes en ont assez d'arrondir les fins de mois des policiers et disent que ceux-ci feraient mieux de revendiquer des augmentations de salaire au lieu de passer des journées entières au tribunal à tenter d'obtenir des dommages et intérêts pour des outrages bidons! A ce petit jeu, les dirigeants du mouvement font l'objet d'un véritable harcèlement.

Dernier exemple en date: le frère d'une des victimes de l'an dernier et président associatif part à son travail à 3 heures du matin (il est chauffeur-livreur). Il est suivi par la police pendant une demi-heure. Alors qu'il n'a commis aucune infraction au code de la route, il est finalement arrêté dans un endroit totalement désert par deux voitures de la BAC. Fouille musclée, fouille de la voiture, allusion directe à la mort de son frère (dans laquelle la BAC est impliquée...). Bilan: rien. Ah, si: cinq amendes, toutes contestées (la plus comique est celle pour non-port de la ceinture alors que les policiers n'ont pas pu "l'extraire" immédiatement de la voiture, car... il était attaché!), une journée de garde à vue et une journée de travail perdue.

Résultat de dix mois d'agitation policière: tout le monde se sent encore plus en insécurité et les problèmes d'emploi, de logement, d'école, de transport demeurent. Pourtant, Dammarie-lès-Lys est l'objet de toutes les attentions puisque Chirac est venu y faire quelques déclarations lors d'une journée sur l'adolescence. L'avenir des adolescents du quartier est toujours aussi bouché. Jean-Louis Borloo est aussi venu faire un petit tour pour parler de la ville, ou plutôt des autres villes, car le seul projet immobilier de Dammarie concerne la destruction d'une barre HLM et son remplacement par des logements trop chers pour les locataires actuels. Ceux-ci sont relogés à droite et à gauche dans des HLM tout aussi vieilles et vétustes, faute d'entretien, que celle qui va être détruite.

Autant de "stars" de la politique au chevet d'une petite commune de banlieue, c'est étonnant. Sauf si on se souvient que Dammarie accueille aussi tous les ans dans son château les élèves de la Star Academy.

En tout cas, pour les jeunes de Dammarie, la ficelle est bien grosse. Et, malgré les difficultés personnelles et le harcèlement de la police et de la justice, ils poursuivent leur combat qu'ils ne considèrent pas seulement comme un combat local. Ils veulent faire entendre leur voix pour démontrer qu'ils ne sont pas confrontés à des "bavures" policières mais à une pratique permanente de la police et, de manière plus générale, de l'Etat, qui considère les habitants des quartiers populaires comme des citoyens de seconde zone. Les trois morts du quartier ne sont pas des accidents. C'est l'aboutissement dramatique d'une société où la violence (chômage, racisme, sexisme, etc.) est omniprésente.

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