CRAM d’Aquitaine (Bordeaux) : La police contre des travailleurs victimes de l’amiante27/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1804.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

CRAM d’Aquitaine (Bordeaux) : La police contre des travailleurs victimes de l’amiante

Jeudi 20 février, une vingtaine de travailleurs d'entreprises privées, ayant été au contact de l'amiante durant leur activité sur le port de Bordeaux, ont envahi le hall d'accueil de la Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) d'Aquitaine. Il s'agissait du personnel portuaire assurant la manutention au Port Autonome de Bordeaux, c'est-à-dire des ouvriers intérimaires ou assimilés, mais non titulaires. Ils étaient soutenus par une soixantaine de membres de l'Association de défense des travailleurs victimes de l'amiante (Adetrava).

Ils protestaient contre le rejet des dossiers qu'ils avaient déposés pour bénéficier de la cessation d'activité prévue pour les victimes de l'amiante. En effet, ils sont en désaccord avec l'interprétation qui est faite par la Crama de la circulaire d'application d'un arrêté ministériel de septembre 2001. Cet arrêté prévoit l'élargissement aux années entre 1961 et 1994 de la période où l'exposition au risque amiante est reconnue. Il permet aux dockers bordelais de bénéficier de la cessation d'activité prévue pour les victimes de l'amiante. Cet arrêté avait été obtenu par une série d'actions syndicales en 2001. Les manifestants demandaient simplement à pouvoir bénéficier comme leurs collègues dockers de la préretraite liée à l'amiante.

Pour beaucoup, la première cause de refus par la Cram Aquitaine de cette cessation anticipée d'activité est que les entreprises qui les embauchaient ne figurent pas sur les listes officielles des établissements recensés pour ouvrir droit à l'allocation.

Pour certains, c'est le métier qu'ils effectuaient qui n'est pas listé officiellement.

Pour d'autres, ils ne sont pas considérés comme ayant eu à manipuler des matériaux de calorifugeage ou des produits à base d'amiante.

Pourtant, ces ouvriers ont durant des années travaillé aux côtés de leurs camarades dockers et ont donc logiquement été exposés à l'amiante. Ce n'est donc que justice qu'ils venaient réclamer.

Mais selon la direction de la Cram Aquitaine, qui dit qu'elle ne fait qu'appliquer les directives nationales, ce dispositif serait réservé aux seuls dockers salariés du Port de Bordeaux ou de la Chambre de Commerce et d'Industrie. L'Adetreva ayant protesté en novembre contre cette situation auprès du ministère de l'Emploi et de la Solidarité n'avait toujours pas de réponse.

Cette interprétation locale d'un texte visant à réduire le nombre de travailleurs indemnisés n'est qu'un scandale de plus dans le dossier de l'amiante. Depuis le début du siècle dernier, le danger de l'amiante avait été clairement défini. Aujourd'hui les maladies et en particulier les cancers liés à l'amiante représentent plus de 10% des maladies professionnelles. Au moins 2000 personnes meurent chaque année des conséquences de l'utilisation de l'amiante. Et on avance le chiffre prévisionnel de 100000 morts à venir. Mais, tant pour la reconnaissance de la maladie professionnelle que pour l'obtention d'une indemnisation ou d'une cessation d'activité anticipée, c'est un véritable parcours du combattant qui est imposé aux travailleurs victimes de l'amiante. A côté de cela, le patronat, avec la complicité de l'Etat, fait tout pour payer le moins possible, allant jusqu'à mettre au compte de plans sociaux la législation relative au risque d'amiante.

La direction de la Crama vient d'y ajouter un autre scandale ce jeudi 20 février: elle proposait aux manifestants d'avoir une entrevue avec le ministère, mais refusait de prendre à sa charge les frais du voyage de Bordeaux à Paris pour quatre ou cinq représentants. Devant leur refus de quitter le hall d'accueil parce qu'ils ne voulaient pas prendre sur leur poche, elle a appelé la police vers 21 heures pour faire expulser les manifestants.

La direction, dans une note au personnel diffusée le lendemain, déclarait avoir "estimé que, les heures passant, la sécurité de la Caisse risquait de ne plus être assurée". Pourtant, les employés de la Crama n'avaient pas perçu de danger suscité par la présence de ces salariés, certains même les connaissaient déjà en tant qu'assurés. La plupart âgés de plus de 50 ans, certains déjà malades d'avoir été en contact avec l'amiante, n'avaient fait que prendre un casse-croûte sur place.

En même temps que cinq cars de police, est arrivée une ambulance. Ce qui a fait dire à des manifestants qu'ils n'arrivaient pas "avec de bonnes intentions". C'est à coups de matraque que la police est intervenue pour les expulser. L'un des manifestants, malade, partit avec l'ambulance, après avoir reçu des coups dans la poitrine et l'estomac.

Pendant qu'elle tabassait les manifestants, dans une Cram désertée par les employés à cette heure tardive, la police en interdisait l'accès aux journalistes. Les témoignages des manifestants expulsés diffusés par FR3 Aquitaine n'en étaient pas moins éloquents. Le lendemain, la direction de la Crama tentait de se justifier auprès du personnel, "les médias n'ayant eu de contacts qu'avec les manifestants".

Mais nous en savons suffisamment pour juger écoeurante la façon dont la direction prend en charge le dossier des travailleurs victimes de l'amiante.

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