Ahold, le nouveau scandale financier... mais c’est le capitalisme qui est scandaleux!27/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1804.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Ahold, le nouveau scandale financier... mais c’est le capitalisme qui est scandaleux!

Un des principaux groupes mondiaux de la distribution, le groupe Ahold des Pays-Bas, a vu lundi 24 février s'effondrer le cours de ses actions, dont la valeur a baissé de plus de 63% en une seule journée. Ce sont près de 6 milliards d'euros (38 milliards de francs) qui se sont ainsi envolés en une journée à la Bourse d'Amsterdam.

C'est que ce géant de la distribution, au troisième rang mondial après le groupe américain Wal-Mart et Carrefour, a présenté en 2000 et en 2001 des comptes faux, surévaluant ses bénéfices. Quant aux comptes de 2002, leur publication a été repoussée sine die. Il paraît que c'est la faute de l'une de ses nombreuses filiales américaines, US Foodservice, restaurateur pour collectivités locales, qui a considérablement gonflé ses bilans en truquant délibérément ses comptes. Mais il y aurait aussi des irrégularités dans la filiale argentine Disco et des soupçons pèsent sur les autres filiales... On parle d'un nouveau scandale Enron, européen cette fois.

Car évidemment, là aussi, le cabinet de contrôle des comptes du groupe est sur la sellette, d'autant qu'il est déjà impliqué dans une autre affaire de faillite retentissante. Les autorités de la Bourse d'Amsterdam se renvoient la balle pour leur absence de contrôle sur les comptes de cette entreprise cotée en Bourse. Quant aux principaux actionnaires d'Ahold, de grandes sociétés de banque et d'assurance hollandaises, elles n'y ont, bien sûr, vu que du feu. Après tout, en dix ans, les ventes du groupe ont été multipliées par six, ses bénéfices par neuf et la valeur de ses actions par dix-huit. Il ne faudrait pas être trop tatillon avec les entreprises qui réussissent.

D'ailleurs en janvier 2002, Ahold avait été élu "distributeur de l'année" et, en juillet dernier, le magazine Fortune en était encore à faire le panégyrique de son PDG. C'était le PDG le mieux payé de sa branche, plus payé que le PDG de Wal-Mart. Il a touché 3,374 millions d'euros en 2001, plus de 22 millions de francs. Aujourd'hui il a démissionné, mais il est bien à l'abri du besoin pour ses vieux jours.

On ne peut pas en dire autant des salariés du groupe, à qui les actionnaires et les débiteurs d'Ahold vont demander de payer la facture. C'est que, pour se hisser au troisième rang mondial, Ahold a depuis dix ans racheté de nombreuses entreprises et s'est endetté à hauteur de 12 milliards d'euros. Aujourd'hui la boulimie du PDG qui, nous dit-on, avait "les yeux plus gros que le ventre" est dénoncée. Mais depuis dix ans c'est avec la complicité des banques et des institutions financières, qui y trouvaient leur intérêt, que Ahold s'est ainsi endetté. Pour rembourser ses créanciers, il va devoir trouver de l'argent frais, en revendant une partie de ses acquisitions, en "restructurant" le groupe, c'est-à-dire en licenciant des milliers, voire des dizaines de milliers de salariés.

On essaye de nous faire croire que ces scandales financiers ne sont le fait que de quelques brebis galeuses. Encore récemment, lors du forum de Davos, le président de la Deutsche Bank affirmait qu'un scandale comme celui d'Enron aux USA ne pouvait se produire en Europe.

En fait, ce qu'on appelle des scandales financiers font partie du fonctionnement normal du système capitaliste. Dans ce système, il est normal et même indispensable pour un patron d'essayer de faire le maximum de profits, quitte à prendre des risques financiers, à anticiper sur des rentrées futures. Il est normal de tout faire pour empêcher la chute du cours des actions, quitte à enjoliver un peu les comptes, provisoirement bien sûr. Tout est permis tant que cela réussit. Ceux par qui le scandale arrive sont ceux dont les échafaudages financiers se cassent la figure. Et la chute des Bourses mondiales depuis près de deux ans n'y est pas pour rien.

C'est dire que bien d'autres scandales de ce type sont à prévoir. D'ailleurs le fait que les prétendues brebis galeuses ne payent jamais elles-mêmes les pots cassés, qu'elles bénéficient de la protection de la loi et de toute l'indulgence de leurs pairs est bien significatif.

Dans ces affaires, l'opération la plus frauduleuse et la plus scandaleuse, que pourtant personne ne dénonce, c'est celle qui consiste à exploiter de façon éhontée les salariés sur le dos desquels des fortunes immenses sont amassées, des fortunes qui peuvent être dilapidées en quelques heures, puis à faire repayer aux salariés le prix fort pour compenser les pertes.

Partager