Réforme du mode de scrutin : Quand on n'a pas de majorité, on en fabrique13/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1802.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Réforme du mode de scrutin : Quand on n'a pas de majorité, on en fabrique

Le Conseil des ministres a décidé mercredi 12 février de recourir à l'article 49-3 pour faire adopter par l'Assemblée son projet de réforme des modes de scrutin des élections régionales et européennes. Il s'agit de faire face à la tentative d'obstruction de l'opposition parlementaire, qui avait déposé plus de 12 000 amendements. Le recours à l'article 49-3 permet au gouvernement de faire que son projet soit considéré comme adopté sans que l'Assemblée ait à voter, à moins qu'une motion de censure soit déposée dans les 24 heures.

Chirac-Raffarin ont donc choisi de faire passer en force leur projet, y compris contre l'opposition d'une partie de leur propre majorité, en particulier des députés UDF. C'est que les notables de l'UMP veulent profiter de leur majorité absolue à la Chambre pour imposer un mode de scrutin, en particulier aux régionales, qui garantira leurs places et forcera les petites formations politiques, si elles veulent avoir des élus, à leur faire allégeance. La même réforme avantagera d'ailleurs à gauche le PS en obligeant les Verts ou le PCF à passer accord avec lui, et à se plier à ses exigences, avant même le scrutin.

Le tripatouillage électoral pour fabriquer des majorités est une vieille tradition de la République française, et en particulier de la Ve République. Aux régionales, le nouveau projet combinerait le recours à deux tours de scrutin, déjà instauré en 1999 par le gouvernement socialiste, à l'instauration d'un seuil de 10 % des électeurs inscrits pour qu'une liste puisse se maintenir au second tour, d'un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour pouvoir participer à une fusion de listes, alors que les pourcentages instaurés par la loi de 1999 étaient respectivement de 5 % et 3 % des suffrages exprimés. A cela s'ajouterait encore une prime majoritaire de 25 % des élus accordée à la liste arrivée en tête.

Rappelons qu'à l'élection présidentielle les candidats Chirac et Jospin avaient obtenu respectivement à peine 19 % et 16 % des voix. Et voilà comment le parti de Chirac, l'UMP, faute de bénéficier d'une majorité dans le corps électoral, pourrait quand même s'en fabriquer une dans les Conseils régionaux grâce à ces tripatouillages institutionnalisés. Il en irait de même d'ailleurs du PS, et même si celui-ci dénonce le projet du gouvernement, sa loi de 1999 était un premier pas allant dans le même sens.

Quant au projet concernant les élections européennes, il est en fait de la même eau. En instituant des circonscriptions régionales, au lieu d'une circonscription unique sur le territoire national, il aboutirait à élever le seuil nécessaire pour l'élection de députés - actuellement déjà de 5 % des suffrages exprimés.

Avec cela quand Chirac-Raffarin invoquent pour se justifier la nécessité de " rapprocher l'élu des électeurs ", cela ressemble à de l'humour noir : les notables se préoccupent d'abord d'assurer leurs sièges contre les mouvements d'opinion. Mais au fond quoi d'étonnant ? La " démocratie " dont ces gens-là ont plein la bouche est d'abord l'art de gouverner dans l'intérêt d'une toute petite minorité de riches, contre l'intérêt de la grande majorité de la population.

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