Loi sur la " sécurité financière " : Le retour d'un serpent... de Mer13/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1802.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Loi sur la " sécurité financière " : Le retour d'un serpent... de Mer

C'est mercredi 5 février que le Conseil des ministres a adopté un projet de loi dit de " sécurité financière ", présenté par les ministres de l'Économie et de la Justice, Francis Mer et Dominique Perben. Officiellement, son principal objectif est de " restaurer la confiance " des investisseurs, après la cascade de scandales qui, de Enron à WorldCom en passant par Vivendi, ont fait les gros titres de l'actualité de ces derniers mois.

Le problème de Francis Mer et de ses collègues ministres n'est évidemment pas de mettre un terme à la spéculation, au boursicotage, aux faillites et aux licenciements, autrement dit au capitalisme lui-même. Bien plus modestement, ces gens-là prétendent rendre le capitalisme plus " transparent "... vis-à-vis des capitalistes, et uniquement vis-à-vis d'eux. Mais même ce but bien limité risque d'être hors de portée de leur loi, comme d'ailleurs de toutes les lois passées et futures respectant la propriété privée. Et au final, la montagne de ce projet de loi, haute de 88 articles et de 100 pages, accouchera d'une souris.

Il est prévu, pour l'essentiel, la création d'un nouvel arbitre des opérations boursières, l'Autorité des Marchés Financiers (AMF). D'autorité, ce futur organisme n'aura que le nom, car il ne sera constitué que de la fusion de trois organismes déjà existants - dont la Commission des Opérations de Bourse - sans augmentation de budget. La future AMF n'aura donc aucun moyen supplémentaire d'enquêter et de sanctionner, à supposer même qu'elle en ait la volonté.

Autre nouveauté, désormais un même cabinet d'audit ne pourra plus conseiller à la fois une société et certifier ses documents comptables. Ceci fait directement suite à l'affaire Enron, et à la complicité du cabinet Andersen dans le trucage de ses bilans. Mais qui empêchera les entreprises et les cabinets d'audit de continuer à nouer de solides intérêts communs ? Quand on est du même monde cette possibilité est fort tentante.

Dans la même veine, les commissaires aux comptes, chargés de certifier la " régularité " et la " sincérité " des comptes des entreprises verront leur mandat limité à six ans. Mais six ans, c'est largement assez pour truquer un bilan, comme l'a montré Enron, qui n'a pas eu besoin d'un délai aussi long.

Enfin, les conseils d'administration seront censés être plus transparents vis-à-vis de l'assemblée générale des actionnaires, ce qui ne changera rien au fait que dans ces assemblées chacun vote au prorata de la quantité d'actions qu'il détient, et que les gros actionnaires pourront tout comme avant dicter leur volonté aux petits. Et de façon plus générale, si des règlements pouvaient empêcher les capitalistes de procéder à des malversations, cela se saurait ! L'actualité récente, du Prestige à Metaleurop en passant par Daewoo et bien d'autres, démontre tout le contraire.

Alors, dans ce domaine comme dans d'autres, Francis Mer et le gouvernement français doivent sans doute se dire qu'un effet d'annonce, c'est toujours mieux que rien. Mais ils ne sont pas assez naïfs pour croire réellement que leurs mesurettes amélioreront en quoi que ce soit la " transparence " d'un système basé tout entier sur l'opacité, les coups fourrés, le chacun pour soi et la dissimulation.

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