Irak : " front du refus " ? pas sur le fond !13/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1802.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : " front du refus " ? pas sur le fond !

Pendant que les porte-parole américains multiplient les déclarations indiquant que, en ce qui les concerne, la diplomatie onusienne a assez duré, Chirac s'emploie à cultiver cette image de chef du " front du refus " face à Bush que lui ont donnée les médias. Mais il n'est nul besoin de gratter bien loin pour que cette imposture apparaisse dans toute son hypocrisie.

Car que propose donc Chirac ? Ce qu'il appelle une " alternative à la guerre " - c'est-à-dire un " renforcement substantiel des capacités humaines et techniques des inspecteurs ". Derrière cette formule vague, ses porte-parole officiels ont parlé de " doublement voire triplement du nombre des inspecteurs ", de déploiement de Mirage IV de reconnaissance au-dessus du territoire irakien, voire pour certains de casques bleus qui pourraient donner aux inspecteurs les moyens physiques de forcer les portes qui ne s'ouvrent pas assez vite sur le terrain.

Quoi qu'il en dise, Chirac se place donc dans le cadre de la même logique que Bush : celle du droit que s'arrogent les puissances impérialistes de décider du sort de l'Irak au nom d'un " ordre mondial " - le leur -, qu'il soit imposé ou non sous le couvert de l'ONU. Il ne s'agit pas là d'une " alternative à la guerre ", mais bien de la même logique de guerre, quelles qu'en soient les échéances. N'est-ce pas d'ailleurs la même logique qui a présidé à la guerre larvée et à l'asphyxie économique des sanctions que l'ONU fait subir à l'Irak depuis treize ans ?

Et puis le fait que Chirac ait recherché, et obtenu, l'appui de ce massacreur du peuple tchétchène qu'est Poutine n'est-il pas en soi tout un programme ? Car pour obtenir la signature du dirigeant russe, il a bien fallu que Chirac lui rende la monnaie de sa pièce, en donnant sa caution au référendum par lequel Poutine espère légitimer le retour forcé de la Tchétchénie dans le giron russe, malgré la guerre qui continue à y faire rage.

Quant au " coup d'éclat " de Chirac s'opposant, avec l'Allemagne et la Belgique, à ce que l'Otan participe en tant que telle à la " défense " de la Turquie en cas de guerre contre l'Irak, comme Bush l'avait réclamé, il est tout aussi hypocrite que l'est la démarche de Bush.

L'objectif de celui-ci n'est bien sûr pas la défense de la Turquie mais la poursuite de ses préparatifs militaires offensifs pour pouvoir se servir de ce pays comme poste avancé contre l'Irak. Il ne s'en cache pas d'ailleurs puisqu'un accord signé à Ankara au début du mois prévoit que, en cas de guerre, des troupes turques viendront renforcer les forces américaines au Kurdistan irakien. Officiellement ce sera pour y jouer un rôle purement " humanitaire ". Mais vu le contentieux qui existe entre les nationalistes kurdes et l'État turc, il est évident que les troupes d'Ankara seront là y compris pour contrôler, voire réprimer, tout mouvement de la population kurde. Elles ont d'ailleurs déjà agi de cette façon au lendemain de la guerre du Golfe.

Mais si Chirac s'est opposé à cette manoeuvre, par laquelle Bush cherchait à embarquer l'Otan dans sa galère par la bande, il n'a rien dit, ni fait, contre d'autres préparatifs qui vont pourtant exactement dans le même sens, même si c'est en dehors du cadre formel de l'Otan : celui d'un encerclement militaire de l'Irak - par exemple la livraison de missiles Patriot par les Pays-Bas à la Turquie, ou encore des livraisons analogues faites par l'Allemagne (pourtant supposée être alliée de Chirac dans le " front du refus ") à Israël.

Alors l'opposition de Chirac aux préparatifs de guerre de Bush n'a évidemment rien à voir avec la défense des peuples, ni ceux d'Irak, ni du Moyen-Orient ni de Tchétchénie d'ailleurs. Ce n'est qu'une tartufferie de la part du représentant d'un impérialisme mineur qui, à défaut de pouvoir contester sérieusement l'hégémonie de son rival américain, se fait prier avant de rejoindre la meute pour la curée, dans l'espoir qu'ainsi il sera mieux à même de ramasser les miettes qu'on voudra bien lui laisser.

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