Air Lib : Pourquoi ne pas demander des comptes aux responsables de la faillite ?13/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1802.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Air Lib : Pourquoi ne pas demander des comptes aux responsables de la faillite ?

Depuis jeudi 5 février, la compagnie aérienne Air Lib n'a plus de licence d'exploitation et ses avions restent cloués au sol. Les 3 200 salariés de cette entreprise, eux, sont dans l'expectative en attendant une décision judiciaire, et risquent fort de se retrouver au chômage. Les suppressions d'emplois seront même vraisemblablement supérieures, si l'on compte qu'Air Lib faisait vivre quelque 15 à 18 000 personnes avec les sous-traitants.

Depuis sa création, Air Lib connaît des difficultés financières, et ne tenait qu'avec l'aide de l'État. Celui-ci a décidé de cesser de subventionner la compagnie. Il comptait sur un repreneur pour récupérer son argent, et justement le dernier repreneur potentiel, le néerlandais Imca, a déclaré forfait le 5 février. Son " plan de sauvetage " prévoyait des mesures contre le personnel (en licencier une partie et augmenter le travail de ceux qui restent), d'étaler sur sept ans le remboursement de la dette envers l'État, et d'acheter 29 Airbus pour renouveler la flotte vieillissante... mais à condition d'obtenir un prix bradé. Ce dernier point a été la pierre d'achoppement.

Air Lib est née en juillet 2001, après la faillite d'AOM-Air Liberté, consécutive au fait que les deux principaux actionnaires, Swissair et Marine-Wendel, aient décidé de ne plus financer cette compagnie qui ne leur rapportait pas assez d'argent. Des plans de sauvetage proposés, le tribunal de Créteil avait retenu celui de l'ancien pilote d'Air France, Charles Corbet, qui devint donc le PDG de la nouvelle compagnie aérienne. Au passage, 1 200 salariés étaient déjà restés sur le pavé. Si Swissair a versé ensuite une partie des sommes qu'elle s'était engagée à payer, Marine-Wendel, le groupe financier du baron Seillière, a purement et simplement retiré ses capitaux pour les placer ailleurs, sans que personne, au gouvernement ou parmi les hauts fonctionnaires, n'y trouve rien à redire puisque, effectivement, tel est le fonctionnement du capitalisme : mettre son argent là où il peut rapporter le maximum, non là où c'est utile à la population si les profits sont moindres.

Maintenant, plutôt que d'accuser ceux qui sont à l'origine de cette faillite, tous disent que l'échec d'Air Lib serait dû au fait qu'il n'y a pas la place pour un " deuxième pôle aérien " en France, derrière Air France. Mais en même temps, toutes les compagnies se mettent sur les rangs pour se faire attribuer une part des 50 000 créneaux horaires que détenait Air Lib sur l'aéroport d'Orly. Or, qui dit créneau, dit avions qui décollent et qui atterrissent, avec des passagers qui apportent des recettes. Il faut donc croire qu'il y a une place... Pourtant personne ne parle de faire payer les responsables qui vont jeter des milliers de travailleurs sur le pavé. Ceux qui ont laissé tomber Air Lib ne sont cependant pas cachés derrière des sociétés écrans aux ramifications si nombreuses et opaques qu'il serait difficile de savoir quels capitalistes, en chair et en os, détiennent l'argent. Ce ne sont pas non plus des investisseurs étrangers qui échapperaient à la législation française, si d'aventure elle voulait s'en prendre à eux.

Non, le baron Seillière, à l'origine de cette catastrophe, n'est pas hors d'atteinte. En tant que président du MEDEF, il a des rendez-vous quasi hebdomadaires avec des membres du gouvernement. Mais pas question pour eux de lui imposer la moindre contrainte, de le forcer à continuer à faire vivre la compagnie aérienne, et surtout ses 3 200 salariés.

Après Chirac parlant de " patron-voyou ", tout le monde politique et la presse ont repris cette expression. Là, ils en ont un à portée de main (un parmi tous ceux qui licencient et ne sont pas non plus hors d'atteinte), mais ils le laissent faire ce qu'il veut de ses capitaux, quitte à ruiner une branche de l'économie et la vie de milliers de travailleurs.

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