Licenciements : le capitalisme : société à irresponsabilité illimitée30/01/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/01/une1800.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Licenciements : le capitalisme : société à irresponsabilité illimitée

Lundi 27 janvier, le tribunal a prononcé la cessation de paiement de l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais. En moins de dix jours, la décision du groupe Metaleurop de couper les vivres à sa filiale a déclenché la faillite et menace de chômage les 830 salariés de l'entreprise, et plus de 2000 travailleurs en incluant les entreprises sous-traitantes. Les patrons n'ont pas même pris la peine de promettre " un plan social ". Il s'assoient aussi sur leur engagement à dépolluer le site, complètement ravagé par les rejets de plomb. 10 % des jeunes enfants sont déjà atteints de saturnisme dans les communes avoisinantes. Après avoir exploité les ouvriers, intoxiqué leurs enfants, ces capitalistes vont voir ailleurs, laissant derrière eux chômage, maladie et misère !

Les habitants de la ville ont manifesté leur colère dans les rues devant ce comportement criminel et irresponsable. Irresponsable et révoltant, mais tout à fait à l'image du capitalisme, car la loi est faite sur mesure pour permettre aux capitalistes d'effectuer de tels forfaits.

Le statut de " société anonyme " permet aux capitalistes de faire transiter les bénéfices de l'entreprise vers leurs comptes en banque par des tas de moyens (dividendes, salaires, stock-options, achat et revente d'actions, etc.), mais pas dans l'autre sens : en aucun cas, leur fortune personnelle ne peut payer les dettes de l'entreprise. La faillite d'une entreprise ne signifie nullement la faillite personnelle de ses dirigeants et actionnaires.

C'est aussi le plus légalement du monde que des groupes comme Metaleurop se débarrassent de filiales en leur coupant les vivres. " Le conseil d'administration de Metaleurop SA a décidé de ne pas octroyer de nouveaux financements à sa filiale Metaleurop Nord de Noyelles-Godault (Pas-de-Calais). Cette décision a été prise afin d'assurer la stabilité financière du groupe. " C'est ainsi que, le 17 janvier dernier, quelques capitalistes ont rayé de la carte l'emploi de milliers d'hommes et l'avenir d'une région entière.

" Le sort de Metaleurop Nord dépend de Metaleurop Nord ", a ajouté avec cynisme le porte-parole du groupe, indiquant par là qu'il ne se considère pas comme responsable.

Là encore, la loi protège les grands groupes et leur permet de se débarrasser d'une entreprise comme d'un kleenex usagé. Elle ne donne pas aux groupes industriels et financiers une réelle existence juridique, sauf un peu dans le domaine fiscal. Et pour cause, le régime " d'intégration fiscale " permet en particulier aux sociétés mères de déduire de leurs impôts les pertes d'une filiale. Comme le dénonçait un syndicaliste CGT de Nestlé à une commission d'enquête parlementaire sur les pratiques des grands groupes, c'est ainsi que le groupe Nestlé ne paye pas un centime d'impôt en France depuis dix ans, ayant répercuté sur une filiale les charges financières correspondant à l'achat de Perrier.

Dans les relations entre une filiale et sa maison mère, c'est un jeu d'enfant de transformer des profits en pertes et de vider une entreprise qu'on souhaite liquider, au bénéfice d'une autre.

Mais quand, dans l'autre sens, il s'agirait de prendre sur les bénéfices passés et présents du groupe pour maintenir l'activité d'une filiale, le robinet est bloqué au bon vouloir des actionnaires.

Les déclarations des ministres, Raffarin, Fillon, qui se sont déclarés offusqués par le comportement de Metaleurop, ne sont que de la poudre aux yeux, le temps que les micros et les caméras des journalistes passent à un autre sujet.

Bien entendu, ils pourraient agir, saisir les comptes en banque, les biens immobiliers, le siège, situé rue de Monceau à Paris. Ils connaissent les dirigeants du groupe, présents et passés. Après tout, il n'y a pas eu besoin de loi pour saisir, au nom de la lutte contre le terrorisme, les avoirs bancaires des personnes ou des sociétés suspectées de terrorisme ou bien les avoirs de l'Irak. Ils pourraient le faire, pour garantir l'existence des travailleurs qui ont sacrifié leurs vie, leur santé et celles de leur proches pour les profits de Metaleurop. Mais ils ne le feront pas. La seule liberté qu'ils défendent, c'est la liberté de licencier.

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