Sarkozy ne combat pas l'insécurité, il s'en sert16/01/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/01/une1798.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Sarkozy ne combat pas l'insécurité, il s'en sert

La discussion de son projet de loi sur la sécurité intérieure a donné à Sarkozy une nouvelle occasion de faire son numéro du chasseur de voyou, protecteur des pauvres. Il a répété qu'il était partisan de la " tolérance zéro ". Eh bien, qu'il en fasse donc la démonstration en appliquant ce principe aux patrons qui jettent à la rue des milliers de gens pour se faire " de la thune ", comme disent les jeunes des banlieues !

Car cela aussi fait partie de l'insécurité dont sont victimes les pauvres. Et ce n'est pas seulement un sentiment d'insécurité c'est un drame qui touche des milliers de gens chaque semaine. Ceux qui perdent leur emploi, mais aussi par exemple les commerçants qui, du coup, y perdent leurs clients.

Parmi les banalités sarkoziennes, le ministre de l'Intérieur a déclaré " qu'on ne devient pas délinquant parce que l'on habite une HLM ou parce qu'on est chômeur ". C'est vrai, et d'ailleurs l'immense majorité de ceux qui vivent dans des cités ne sont pas des délinquants ni des voyous. Cela n'empêche pas Sarkozy, de criminaliser les habitants de ces banlieues, en particulier les jeunes qui y vivent. Le chômage ne conduit pas à la délinquance, c'est vrai pour l'immense majorité. Mais le désoeuvrement, le désespoir qu'il crée, contribuent à ce que quelques caïds de quartier puissent devenir des modèles. Comme y contribue la dégradation des conditions d'accueil dans les établissements scolaires qu'enseignants, personnel, parents d'élèves de ces quartiers constatent. Cette violence scolaire, que nous montrent les journaux télévisés, est réelle dans les quartiers dits difficiles, autre mot pour dire pauvres. Mais ce n'est pas en diminuant les effectifs du personnel ou au mieux en les laissant en l'état que la situation peut se régler

Là où Sarkozy n'a pas tort, c'est que des délinquants, il y en a aussi dans le 16e arrondissement de Paris ou à Neuilly. Mais c'est une autre délinquance, bien mieux protégée. C'est la délinquance en costume, " noeud pap ", de ceux qui truquent les comptes des entreprises dont ils sont actionnaires, ou qui trichent en toute légalité avec le fisc, qui délocalisent leurs capitaux et leurs entreprises. Et ça, c'est tout à fait légal. Et puis, des voyous dorés, des jeunes qui font du tapage, des dealers, il y en a aussi dans la jeunesse des beaux quartiers. Moins peut-être. Mais n'est-ce pas dû au fait que des riches, il y en a moins que de pauvres ?

La gauche se montre embarrassée pour s'opposer à Sarkozy. Cela se comprend, car elle lui a préparé le terrain. Daniel Vaillant entre autres, le prédécesseur socialiste de Sarkozy au ministère de l'Intérieur, explique que celui-ci n'est qu'un copieur, mieux, que lui, Vaillant, a contribué à enfanter ces lois qui permettent à son successeur de plastronner.

Jack Lang se vante, lui, d'avoir été partisan de la fermeture de Sangatte, ce qui permet à Sarkozy d'ironiser en lui demandant : pourquoi ne l'a-t-il pas fait ?

Emmanuel Valls, maire socialiste d'Evry a reçu chaleureusement le ministre de l'Intérieur dans sa ville - mieux sans doute qu'il n'a reçu les travailleurs de l'usine LU située sur le territoire de cette commune qui luttaient contre les licenciements, du temps du gouvernement Jospin. Cette prétendue gauche n'a pas tort de revendiquer la paternité de la politique sécuritaire de la droite. Les mesures qui figuraient dans la " loi de sécurité quotidienne " votée fin 2001 par la gauche se distinguaient peu de celles qui figurent dans la loi Sarkozy. Dans ce festival de veulerie de l'actuelle opposition parlementaire, il faut ajouter son appel au vote pour Chirac lors du deuxième tour. Cela permet à Sarkozy de dire que finalement ceux qui contestent sa politique à l'Assemblée lui ont servi de marche-pied.

On parlait, naguère, du risque de lepénisation des esprits, voulant dire par-là que la logique développée par les discours de Le Pen s'était banalisée dans l'opinion. Aujourd'hui, on assiste à la sarkozisation des esprits, à commencer par l'esprit de ces politiciens, et ça n'est pas mieux.

Cette gauche de pacotille nous dit qu'il n'y aurait rien d'autre à faire, car les questions soulevées par Sarkozy sont réelles. Elles sont sans doute réelles, bien que Sarkozy fasse tout pour en donner une image dramatisée, lui permettant de fabriquer sa propre image. Mais bien sûr qu'il y aurait une autre politique à proposer, réaliste, applicable rapidement.

Il faudrait éradiquer le chômage, en commençant par imposer au patronat qu'il cesse de l'alimenter par des licenciements collectifs en rafale. Il faudrait consacrer l'argent public au service public, et utiliser les sommes nécessaires à l'amélioration de l'accueil scolaire, en priorité dans les quartiers qui en ont un besoin urgent. Il faudrait consacrer l'argent nécessaire à la réhabilitation des logements populaires, à commencer par les logements sociaux.

Les sommes nécessaires sont importantes, car il faut rattraper des décennies de retard. Mais elles existent. Il faudrait tout d'abord cesser de distribuer des centaines de milliards au patronat, qui ne servent à rien d'autre qu'à enrichir les riches. Il faut en finir avec ce véritable détournement de fonds sociaux qui prive la collectivité des moyens les plus essentiels Et puis, pourquoi n'imposerait-on pas aux riches actionnaires qu'ils restituent à la collectivité l'argent qu'ils ont détourné ?

Cette orientation, on ne peut évidemment pas compter sur la droite pour la défendre. Mais on ne peut pas plus compter sur ses " opposants ". C'est pourtant la seule politique qui puisse réduire les problèmes que Sarkozy utilise pour se faire mousser.

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