Après le " non " des travailleurs EDF-GDF, la " stratégie réformiste " de la CGT a pris un coup de vieux !16/01/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/01/une1798.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Après le " non " des travailleurs EDF-GDF, la " stratégie réformiste " de la CGT a pris un coup de vieux !

La victoire du " non " au référendum le 9 janvier à EDF-GDF est un désaveu pour le gouvernement. C'est un désaveu aussi pour les patrons d'EDF-GDF et les dirigeants CFDT ou CFTC CGC déjà signataires du " relevé de conclusion ". C'en est un enfin pour ceux de la CGT de l'énergie dont le secrétaire Denis Cohen avait ouvertement appelé à voter " oui ".

Et au-delà, c'est un peu toute la stratégie de la confédération CGT qui est mise en cause, y compris par bon nombre de ses militants qui ne se privent pas pour émettre leurs critiques.

Le pas de deux Roussely-Cohen...

Pour une bonne part, en effet, les négociations à EDF reposaient sur une entente entre son PDG François Roussely et Denis Cohen. Dans le passé les dirigeants précédents d'EDF avaient tenu à distance la CGT et tenté de la contourner en s'appuyant notamment sur la CFDT. Las ! Même si la CGT a perdu des militants et des voix aux élections professionnelles, elle a continué à représenter plus de la moitié du personnel (53 % aujourd'hui).

En 1998, à l'époque de Jospin, le choix de François Roussely (qui traîne une réputation de gauche) fut de renouer de manière privilégiée avec la CGT. Il n'eut pas à s'en plaindre. Jusqu'à aujourd'hui ! A EDF la CGT est une institution... dans tous les sens du terme. C'est l'entreprise qui finance les permanents de l'appareil, plus de 1 000 dont 600 pour les oeuvres sociales (le CE le plus riche de France !). Mais les moyens de pression de la direction, comme le chantage à la diminution du budget des oeuvres sociales, ont pour contrepartie une force de frappe de la CGT, qu'ont sans doute peu d'autres syndicats de ce pays.

La volonté de s'entendre avec la CGT n'était d'ailleurs pas limitée à la direction d'EDF-GDF, mais partagée par le nouveau gouvernement, bien conscient sans doute de l'importance de mettre dans sa manche le plus puissant syndicat du pays pour pouvoir imposer sa réforme de l'ensemble des systèmes de retraites. Ainsi Denis Cohen n'a toujours pas démenti de façon convaincante la réalité des entretiens qu'il aurait eu avec Jérôme Monod (le plus proche conseiller de Chirac) dès le mois de juin... au moment où il appelait les travailleurs et les syndiqués à organiser la résistance.

...et celui de la confédération avec la CFDT et ses alliés

Le double langage de Denis Cohen n'est devenu un " faux-pas " que dans la mesure où de nombreux militants de la CGT - y compris des membres de sa direction - et la majorité des travailleurs l'ont fait trébucher ! Mais il n'avait évidemment pas agi seul. Le silence gêné de Bernard Thibaut après les résultats du référendum en dit long alors que quelques jours auparavant, il se montrait fort prolixe à la sortie de l'Elysée (après le discours de Jacques Chirac), estimant notamment qu'il était possible de " négocier des modalités nouvelles " !

Sur les retraites, l'évolution de la confédération est manifeste. Depuis sa participation au COR (le " Comité d'Orientation sur les Retraites " qui posait déjà la " nécessité d'une réforme " !), en passant par son approbation des " fonds d'épargne salariale ", la direction confédérale a multiplié les signes de sa bonne volonté.

Le front syndical (CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC, UNSA, FSU) qui s'est dessiné le 6 janvier est un pas supplémentaire. Certes il appelle à des manifestations le 1er février. Mais l'essentiel est qu'il s'est formé en s'alignant sur les positions de la CFDT : acceptation de l'objectif de la " réforme ", aucun chiffrage du niveau des retraites, abandon de fait de l'objectif des 37,5 annuités de cotisations pour tous, privés et publics. Pour Bernard Thibault le 1E février prochain marquera le temps du " tous ensemble ", l'ennui c'est que c'est au prix de l'abandon de l'ensemble des revendications de tous. Une façon de préparer une capitulation à l'image de celle de Denis Cohen qui avait lui aussi appelé avec les autres syndicats à une grande et réussie manifestation de l'EDF-GDF le 3 octobre dernier.

Le recentrage de la CGT

Sous le gouvernement de gauche précédent la direction de la CGT avait déjà manifesté ouvertement sa volonté de collaborer et d'éviter les affrontements. On se souvient notamment du choix fait par les dirigeants cégétistes de s'opposer à la grève des conducteurs SNCF en 1999, d'ailleurs soutenu par Robert Hue (" Si j'étais cheminot, je ne serais pas gréviste "). Aujourd'hui, avec un gouvernement de droite dont le programme est une véritable déclaration de guerre au monde du travail, ils poursuivent sur la même voie, à l'étonnement sans doute de certains de leurs militants et de nombre de travailleurs combatifs.

En fait, depuis le dernier congrès confédéral, la direction de la CGT a choisi - à la fois en concurrence et en partenariat avec la CFDT - de briguer sa place d'interlocuteur du patronat et surtout du gouvernement. Qu'importe donc l'étiquette de celui-ci !

Le désaveu enregistré lors du référendum à EDF est donc salutaire et de nature à redonner espoir aux militants de la CGT soucieux de défendre les intérêts du monde du travail. Un encouragement, sans doute aussi, à exprimer leur refus de la mauvaise orientation actuelle lors du prochain congrès confédéral prévu en mars. Mais c'est surtout sur le terrain, dès maintenant, avec tous les travailleurs et les militants qui veulent peser dans le même sens - notamment au PCF et à l'extrême gauche - que leur action peut être déterminante pour préparer tous ensemble la contre-offensive du monde du travail.

La manifestation du 1er février peut être une étape. A condition que les objectifs soient clairement formulés : pas de mise en cause des régimes spéciaux ! Retour à 37,5 ans d'annuités dans le privé comme dans le public ! Départ à 60 ans maximum avec 75 % du salaire ! Pas de négociation sur la base des projets du gouvernement !

A tous les militants ouvriers, y compris et d'abord CGT bien sûr, de les signifier clairement ce jour-là, par leurs pancartes, banderoles et slogans, au gouvernements, aux patrons... et aux confédérations syndicales.

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