Face à la pollution, le refus de s'en prendre aux responsables09/01/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/01/une1797.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Face à la pollution, le refus de s'en prendre aux responsables

Les rodomontades de Chirac s'insurgeant contre les " voyous des mers " et les " hommes d'affaires véreux " qui affrètent des navires- poubelles n'arrivent pas à masquer le fait que, tant au niveau de la prévention que de la réparation des dégâts commis, le gouvernement français, pas plus que les autres, ne se donne les moyens de s'en prendre aux pollueurs.

Après le naufrage de l'Erika, en décembre 1999, plusieurs plans ont été adoptés au niveau européen par la Commission de Bruxelles. Le plan " Erika 1 " prévoyait l'élimination, d'ici 2015, des pétroliers à simple coque, ainsi que le renforcement des contrôles dans les ports et la surveillance des sociétés d'affrétage. Un an plus tard, le plan " Erika 2 " le complétait par la création d'un fonds d'indemnisation des victimes. Ces mesures, pourtant limitées, ont suscité une levée de boucliers de la part des armateurs, des affréteurs et de certains États, qui les jugaient trop contraignantes. La France, la première, se vante-t-elle, à réclamer des mesures, reste dans les faits la lanterne rouge au niveau européen pour leur application.

Le nombre des inspecteurs de la sécurité maritime, fonctionnaires dépendant du secrétariat d'État aux Transports, est de soixante-cinq, répartis en quinze centres sur tout le littoral ! Et s'il est prévu de faire passer leur nombre à soixante-dix-sept, cela reste dérisoire au regard des tâches à accomplir, puisqu'ils doivent contrôler toutes sortes de bateaux. Comme le relève l'un d'entre eux : " Il n'est pas normal que je doive effectuer la visite d'un pétrolier le matin et effectuer l'approbation d'un canoë-kayak l'après-midi " ! Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que seuls 9,5 % des bateaux étrangers transitant dans les ports français soient visités, au lieu des 25 % préconisés par le plan Erika.

Sans compter que les navires-poubelles ne battent pas tous pavillon libérien ou panaméen, la France en compte aussi son lot.

Quant à s'opposer aux armateurs ou aux donneurs d'ordre qui affrètent en toute connaissance de cause des navires hors d'usage, aux équipages mal-payés, peu qualifiés et en nombre insuffisant, parce qu'ils sont moins cher, c'est une autre paire de manche. Les bateaux au pavillon de complaisance échappent peut-être aux règles du droit international, mais ceux qui les affrètent, eux, sont bien connus et ne sont pas hors d'atteinte. TotalFinaElf, par exemple, qui avait choisi l'Erika pour transporter son pétrole en connaissant l'état du bateau, est une compagnie bien française, dont les dirigeants sont connus. Qu'est-ce qui empêchait les pouvoirs publics de les obliger à payer pour les dégâts occasionnés par la marée noire d'il y a trois ans et pour indemniser les victimes ? Il aurait fallu oser imposer des réparations. Mais cela aurait voulu dire s'en prendre à la loi du profit qui laisse les mains libres à des " voyous " qui ne sont pas des voyous des mers, mais des voyous du grand capital.

Malgré les plans anti-pollution édités par la Commission européenne et les déclarations tonitruantes d'un Chirac, les pollueurs ont encore de beaux jours devant eux. Quant aux victimes, elles doivent essentiellement compter pour nettoyer les grèves sur leurs pelles et leurs seaux, et pour l'instant sur l'envoi de 200 militaires (pour des centaines de kilomètres touchés par la marée noire !). Et les pêcheurs et les mareyeurs d'Espagne ou de France devront attendre des années une indemnisation loin de couvrir leur perte - si l'on en juge par le précédent de l'Erika - sans compter le temps qu'il faudra à cette pollution pour s'éliminer et rendre de nouveau possible leur activité.

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