Espagne : Les mesures antiouvrières que prépare le gouvernement Aznar09/01/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/01/une1797.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Les mesures antiouvrières que prépare le gouvernement Aznar

Voici sept mois que le gouvernement espagnol dirigé par le représentant du Parti Populaire de droite, José Maria Aznar, tente d'imposer une nouvelle législation plus défavorable encore aux travailleurs et aux chômeurs - ceux des villes comme ceux du secteur agricole - que la précédente.

À la suite du succès de la journée de grève générale du 20 juin dernier à l'initiative de l'ensemble des centrales syndicales, très suivie dans toute l'Espagne et marquée par d'importantes manifestations dans la plupart des grandes villes, Aznar ne pouvait faire totalement la sourde oreille. Et lorsque trois mois plus tard une nouvelle journée d'action fut l'occasion d'une vaste mobilisation marquée par un rassemblement de plusieurs centaines de milliers de personnes à Madrid, le gouvernement, après négociation avec les dirigeants syndicaux, retira un certain nombre de mesures, en particulier celles visant à faire pression sur les chômeurs pour les contraindre à accepter n'importe quel travail sous peine de perdre leurs allocations. C'était assez pour que les principales centrales syndicales, l'UGT et les Commissions Ouvrières, baissent la garde et renoncent à tirer profit du succès de ces mobilisations pour contraindre le gouvernement à retirer tout simplement son projet.

Pourtant, même revu et corrigé, le " decretazo ", comme on appelle cette nouvelle législation, comportait encore bien des attaques antiouvrières. C'est ainsi que les travailleurs qui ont plus de 52 ans, qui constituent 33 % de ceux qui touchent les allocations chômage, pourront être embauchés à bas prix par des patrons qui n'auront plus à débourser que la différence entre l'allocation et le salaire correspondant à l'emploi exercé. D'autres formes d'emplois concernant des travailleurs bénéficiant d'allocations diverses (les sans-emploi de plus de 45 ans, les femmes victimes de mauvais traitements ou les invalides) permettront aux patrons de ne payer que des compléments salariaux dérisoires, pour lesquels ils seront en outre exonérés de charges fiscales.

Autant de mesures immédiatement favorables au patronat et qui contribuent - ce qui est peut-être le plus important - à tirer l'ensemble des salaires vers le bas car le travailleur qui, faute d'une allocation quelconque coûtera plus cher à son employeur, se verra bien souvent contraint d'accepter un salaire très bas.

Mais les conséquences les plus graves de la nouvelle législation résident dans les remises en cause concernant le PER qui est un " subside agraire " dont bénéficient les travailleurs journaliers des régions agricoles, principalement en Andalousie et en Estrémadure. Ils sont quelque 200 000 à n'avoir de revenus réguliers que grâce à ce système par lequel les municipalités avaient la possibilité de faire réaliser des travaux d'intérêt public par des chômeurs, en les rétribuant avec l'argent public. Le travailleur journalier qui compte, grâce à ce système, 40 jours de travail a droit à une allocation de quelque 500 euros par mois. Cet apport financier a permis à des centaines de milliers de familles de survivre en restant dans les bourgs et les villes de ces régions. Il devrait s'éteindre peu à peu mais il n'est pas supprimé pour ceux qui en bénéficient déjà, il ne sera plus attribué à de nouveaux journaliers.

Pourtant le PER n'était pas, loin s'en faut, un gouffre pour les finances publiques. Quelque 900 millions d'euros : cinq fois moins que les subventions aux entreprises agricoles qui sont dans leur très grande majorité aux mains de grands propriétaires terriens. Mais cela n'a pas empêché le gouvernement d'invoquer les risques de corruption et de clientélisme bénéficiant aux maires ! Tout cela va transformer, au travers de la liquidation progressive du PER, des centaines de milliers de journaliers pauvres du sud de l'Espagne en un réservoir de main-d'oeuvre à bas prix, obligée d'accepter n'importe quel salaire, à n'importe quelle condition de sécurité, d'horaires, de mobilité et de précarité.

Malgré les journées de juin et d'octobre 2002, le gouvernement n'a pas reculé d'un pouce sur ses projets concernant cet aspect de la réforme. Et la déception a été grande parmi les travailleurs des campagnes d'Andalousie et d'Estrémadure lorsqu'ils ont vu les principales centrales syndicales accepter de négocier avec le gouvernement, sans exiger le retrait de la remise en cause du PER. Sans doute les syndicats ont-ils appelé les paysans et leurs familles à manifester le dimanche 1er décembre à Séville ; et ce sont au moins cent mille personnes (chiffre officiel) venues de toutes les zones agricoles de la région qui ont défilé à nouveau. Mais ce jour-là les grandes centrales syndicales n'avaient pas mobilisé les travailleurs des grandes villes, ni en Andalousie, ni dans les autres régions, ni même à Séville. Elles ne cherchent pas à préparer une lutte d'ensemble des travailleurs des villes et des journaliers des campagnes pour imposer le retrait de l'ensemble des attaques antiouvrières qui subsistent. Mais l'ampleur des réactions du monde du travail, chaque fois qu'il a été sollicité, est néanmoins un avertissement pour le gouvernement.

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