Côte-d'Ivoire : Les troupes françaises défendent les intérêts des trusts !02/01/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/01/une1796.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Côte-d'Ivoire : Les troupes françaises défendent les intérêts des trusts !

Chaque jour qui passe voit le gouvernement Chirac-Raffarin s'engager un peu plus dans le conflit ivoirien. Fin décembre, les derniers renforts du contingent français ont débarqué dans le port d'Abidjan, portant ainsi l'ensemble du dispositif militaire à 2 500 hommes. Cette armée, composée de troupes d'élites, équipée de pied en cap avec des véhicules blindés légers, des hélicoptères de transport et de combat, a pour objectif de protéger les intérêts des trusts français et de créer des " couloirs économiques " sécurisés, avec l'appui des organisations patronales locales, pour permettre l'acheminement des matières premières en direction, entre autres, du port de San Pedro. Le profit des groupes français ne saurait attendre !

Officiellement la France serait là pour " protéger les ressortissants étrangers ", " sécuriser la ligne de cessez-le-feu " entre rebelles et forces gouvernementales. Mais trois mois après le début de la guerre civile, personne ne peut sérieusement croire à la fable de la prétendue intervention humanitaire servie par les médias. Sinon comment expliquer qu'il reste encore aujourd'hui, comme au tout début du conflit, 20 000 ressortissants français à protéger ? N'auraient-ils pas déjà été évacués comme les autres ressortissants étrangers, américains, en particulier ?

Bien de ces ressortissants, petits ou grands patrons, attendent en réalité à Abidjan que les troupes françaises réinvestissent les territoires occupés par les forces rebelles pour récupérer... " nos usines ", " nos biens ", " nos gens " comme l'affirmait en substance l'un d'entre eux sur les ondes d'une radio nationale. Vingt-mille ressortissants qui représentent en grande partie les personnels d'encadrement des 240 filiales d'entreprises françaises et les 600 sociétés appartenant, parfois depuis plusieurs générations, à des hommes d'affaires français.

une économie dominée par les groupes français

Bien plus que le régime Gbagbo aux abois, soutenu à bout de bras il est vrai, ou même les ressortissants français, le gouvernement défend avant tout les " intérêts majeurs " de la France en Côte-d'Ivoire, c'est-à-dire les intérêts des grandes entreprises françaises et de leurs filiales. Ces sociétés ont été les premières à saisir les affaires juteuses offertes par les privatisations et les grands travaux.

Ainsi France Télécom a investi le marché de la téléphonie " à travers l'achat de 51 % de Citelcom en 1997, aujourd'hui Côte-d'Ivoire Télécom, et la création de la Société Ivoirienne de Mobiles (aujourd'hui Orange, premier opérateur mobile d'Afrique sub-saharienne, hors Afrique du Sud, avec plus de 400 000 abonnés) " précise une note économique de l'ambassade de France à Abidjan. Autre profiteur des privatisations dans le secteur agro-alimentaire : le groupe Castel qui domine le secteur des boissons. Celui-ci a racheté deux usines de la société Sodesucre.

bolloré, bouygues et... tous les autres !

Bolloré, déjà omniprésent dans les transports (à travers Saga, SDV et Sitarail) a investi la CIDT, une société spécialisée dans l'égrenage du coton. Il se taille la part du lion dans le caoutchouc via la SOGB. Enfin, il s'impose comme l'un des tout premiers exportateurs de café et de cacao, en contrôlant (depuis 1999), l'opérateur Dafci, déjà leader dans ce domaine. Air France a racheté 51 % du capital de la compagnie aérienne locale et régionale Air Ivoire en 2001. Le même document ajoute que " des entreprises françaises ont remporté les concessions de l'aéroport international d'Abidjan (Aéroport de Marseille et Sofreavia), du troisième pont d'Abidjan (Bouygues) alors que Bouygues est concessionnaire de la centrale thermique Ciprel et que EDF possède un tiers du consortium qui a construit et gère la centrale thermique d'Azito ".

Les grands noms du bâtiment et des travaux publics (BTP), comme Bouygues, font la pluie et le beau temps dans le domaine de l'électricité à travers la Saur qui domine la Compagnie ivoirienne d'électricité, et celui de l'eau avec la Société des eaux de Côte-d'Ivoire. Les autres grands groupes comme Setao, Colas et Jean Lefebvre ne sont pas en reste et s'affichent comme les leaders du BTP. TotalFinaElf possède pour sa part 25 % de la Société ivoirienne de raffinage.

La mainmise des entreprises françaises sur certains secteurs de l'économie ivoirienne remonte parfois à avant l'indépendance (distribution et assurances avec respectivement Pinault et Axa). Dans le domaine de l'agro-alimentaire, les trusts français tiennent le haut du pavé : ainsi la Compagnie fruitière contrôle 50 % du marché de la banane et de l'ananas. Celui du cacao n'est pas en reste avec le groupe Cémoi/Cantaloup qui a investi 23 millions d'euros dans une usine de broyage de fèves de cacao d'une capacité de 60 000 tonnes.

troupes françaises hors de côte-d'ivoire

Telles sont les raisons essentielles qui ont poussé l'impérialisme français à intervenir et à s'engager de plus en plus dans le conflit ivoirien, à occuper militairement une partie du pays, et à bloquer l'avance des forces rebelles. Dans le nord, les soldats français ont bloqué le MPCI (Mouvement Patriotique de Côte-d'Ivoire), le principal mouvement rebelle. Plus récemment dans l'ouest, notamment dans la région de Duekoué, ils ont multiplié les accrochages durant la dernière semaine de décembre, avec les rebelles du Mpigo, le Mouvement Patriotique pour l'Indépendance du Grand-Ouest, un récent mouvement qui n'est pas impliqué, lui, par les accords de cessez-le-feu. Toujours est-il que les forces rebelles accusent la France d'avoir " unilatéralement déplacé la ligne de démarcation sur plus de 60 km vers le nord, entre Duekoué et Bankolo, la mettant ainsi en pleine zone de guerre entre rebelles et loyalistes ". Car pour l'armée française, Duékoué, dans l'ouest du pays, est considéré comme le " verrou du cacao " qu'il faut tenir à tout prix : la prise de cette ville permettrait la progression des rebelles vers Daloa, la capitale du cacao, et mettrait en danger les profits des grands groupes français de l'agro-alimentaire.

Parallèlement, les premiers soldats d'une force interafricaine d'interposition, englobant plusieurs contingents d'États d'Afrique de l'Ouest, devraient prochainement, en janvier 2003, se substituer à l'armée française (ou lui prêter main-forte ?). Ces soldats ouest-africains vont bénéficier de l'appui logistique, c'est-à-dire militaire, et financier de pays occidentaux comme la France, l'Allemagne ou les Pays-Bas. Mais aussi des États-Unis qui prévoient de verser une aide de deux millions de dollars (les États-Unis s'intéressent tout particulièrement aux recherches pétrolières dans la région), tandis que le Royaume-Uni doit fournir une aide de deux millions de livres aux troupes du Ghana.

Cela fait beaucoup de " démocraties " au chevet d'une dictature honnie par une grande partie de la population ivoirienne !

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