Décentralisation : Faux affrontements et vrais accords entre la droite et le PS29/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1791.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Décentralisation : Faux affrontements et vrais accords entre la droite et le PS

Le projet de loi constitutionnelle sur la décentralisation a été soumis aux députés mardi 19 novembre, après avoir été examiné au Sénat. On assiste à un faux débat, complètement truqué. Ainsi, après avoir quitté le gouvernement, la gauche, PS en tête, critique sans gêne les projets gouvernementaux alors que pour l'essentiel ceux-ci reprennent les recommandations du rapport Mauroy d'octobre 2000, commandé à l'époque par Jospin.

Pour le gouvernement Chirac-Raffarin, il s'agit de poursuivre le mouvement de décentralisation initié par la gauche en 1982, justement sous la direction de Mauroy, et accéléré par Jospin juste avant son départ. Cela comporte le transfert sous la responsabilité des collectivités locales d'une part toujours plus grande des services publics essentiels à la vie de la population laborieuse. Ces transferts, vers les départements et les régions, ont concerné jusqu'ici les lycées, les collèges, la formation professionnelle, une partie des routes, l'aide sociale, pour finir avec les transports ferroviaires et les allocations liées à la dépendance avec l'APA. À ces transferts se sont ajoutés des contrats de plan donnant aux grandes agglomérations et aux grandes collectivités la charge d'une partie de ce qui auparavant était de la responsabilité de l'État dans les domaines les plus variés.

Chaque fois, à l'occasion de ces transferts de compétence, l'État a pu économiser des sommes considérables sur ce qu'il aurait dû consacrer à l'ensemble de ces services publics.

Pas plus sur les transports ferroviaires que sur l'APA, les Régions et les Conseils généraux ne sont en état de faire face à la charge financière car l'État n'a pas donné ce qu'il aurait dû. Pour l'APA les discussions ont lieu pour réduire les allocations et restreindre les conditions d'attribution ; pour les transports ferroviaires deux Régions sont en procès pour réclamer à l'État ce qu'il aurait dû verser au démarrage.

Les nouveaux transferts envisagés vers ces collectivités, dans tous les domaines, vont accroître les inégalités entre régions, départements, villes riches et pauvres à travers tout le pays. De plus le Medef, qui a très bien compris ce que cette réforme peut apporter aux patrons, vient de demander qu'à l'occasion de cette nouvelle décentralisation, on supprime ce qui reste de taxe professionnelle. Cette taxe, principale source de revenu des collectivités locales, est un impôt sur le capital puisque payée, il y a peu encore, par les entreprises et assise sur les salaires versés, d'une part, et de l'autre sur les machines et investissements matériels existants. Jospin et le gouvernement de gauche ont décrété la suppression progressive de la part sur les salaires, ce qui correspond à 40 % de son montant, et le patronat attend de ses amis de droite qu'ils finissent le travail. Pour l'instant le ministre délégué aux Libertés locales, Patrick Devedjian, a répondu non. C'est sans doute trop tôt.

Quant à la caste des notables locaux, elle va vraiment se retrouver seule maîtresse à bord, sans la moindre contestation. En effet, " pour rapprocher les élus des électeurs ", à l'occasion d'un véritable coup d'État " démocratique " et avec la bienveillance du Parti Socialiste, le gouvernement entend grâce à sa réforme électorale réserver les sièges d'élus dans les nouveaux Conseils régionaux à l'UMP ou au PS. Ainsi, s'entendant comme larrons en foire, tout ce beau monde pourrait arroser sans réserve le monde des privilégiés régionaux, grands et moins grands, qui constitue son point de référence. Les affaires à la mode de Chirac, Carrignon, Dumas deviendront vraiment monnaie courante.

Le gouvernement et le PS peuvent débattre tant qu'ils veulent ; derrière toute leur prose il y a des intérêts sordides et peu avouables, amenant à mettre à mal les services publics existant encore, et cela au détriment des besoins de l'immense majorité de la population.

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