Contre la dictature des grandes surfaces : Les paysans en colère29/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1791.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Contre la dictature des grandes surfaces : Les paysans en colère

Pendant deux jours, des agriculteurs ont bloqué des centrales d'approvisionnement des grandes surfaces. Ils ont levé leurs barrages après que le gouvernement et les patrons de la grande distribution eurent cédé sur leurs principales revendications : la garantie d'un prix d'achat minimum pour certains de leurs produits frais en cas de chute catastrophique des cours et la condamnation des pratiques commerciales abusives.

Il faut constater, et tous les commentateurs l'ont souligné, que le gouvernement s'est montré plus sensible aux pressions des paysans et du syndicat FNSEA qu'aux revendications des salariés. Il n'a pas brandi contre eux les menaces qu'il agitait au même moment face aux chauffeurs routiers salariés et a pesé pour une conciliation rapide. Les calculs électoralistes sont visibles. Reste à savoir ce qui restera de ces promesses et de ces accords dans quelques mois, car les agriculteurs n'en sont pas à leur première mobilisation, exactement sur les mêmes objectifs.

A l'occasion de ce mouvement, les consommateurs ont pu constater une nouvelle fois que, s'ils sont obligés de payer de plus en plus cher à la caisse du supermarché, à l'autre bout de la chaîne les producteurs touchent de moins en moins en vendant leurs produits à Cora, Carrefour ou Leclerc. Ces grandes enseignes de la distribution sont regroupées en cinq centrales d'achat, dont les 400 plates-formes d'approvisionnement alimentent à peu près tous les supermarchés du pays. Elles mettent en concurrence les 600 000 producteurs (dont beaucoup se regroupent dans des coopératives).

Un peu partout, les agriculteurs ont évoqué les pommes qu'on leur achète à 0,30 euro le kilo et qui se retrouvent en rayon à 2 euros, ou les caisses de salades achetées à 0,14 euro et vendues à 0,75 euro. A cela s'ajoute le système dit des « marges arrière ». Après la vente, en fin d'année par exemple, le producteur doit faire à la centrale d'achat une ristourne. Celle-ci est passée de 2 % il y a quelques années à 50 % aujourd'hui sur certains types d'articles. De précédents mouvements d'agriculteurs avaient obtenu l'interdiction de cette pratique, mais elle se perpétue sans aucun contrôle.

Soumis à cette pression des centrales d'achat qui tirent sans arrêt les prix vers le bas, les petits producteurs ont de plus en plus de mal à vivre du fruit de leur travail, même si, par ailleurs, les gros agriculteurs se débrouillent pour tirer leur épingle du jeu et utilisent la situation des moins favorisés pour augmenter leurs marges. Quant aux consommateurs, ils ne voient pas les prix baisser sur les étals des grandes surfaces. L'année écoulée, le passage à l'euro a même été l'occasion d'une visible flambée des prix dans les supermarchés, tandis que les prix payés aux producteurs baissaient sur la même période, de 25 % par exemple sur les volailles ou de 5 % sur le lait.

C'est à cette dictature que se résume ce qu'on appelle « la loi du marché », et dont on nous dit qu'elle est le système le plus harmonieux possible. Les petits producteurs sont escroqués sur le fruit de leur travail, tandis que les consommateurs doivent payer au prix fort le contenu de leur Caddie. Les dynasties de la grande distribution font leur beurre, et les familles Mulliez, propriétaire d'Auchan, ou ceux qui contrôlent Carrefour et Champion, et les autres caracolent chaque année dans le palmarès des premières fortunes françaises.

Partager