Italie : Après le forum social de Florence15/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1789.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : Après le forum social de Florence

Le Forum social européen de Florence a été un succès. Il a regroupé des centaines de milliers de participants, venus pour l'essentiel de toute l'Italie mais aussi d'autres pays d'Europe, et d'autres continents.

Commencé le jeudi 7 novembre par une fête, poursuivi par des débats et conclu, dimanche 10, par une grande manifestation et un concert, ce forum était placé sous le signe du pacifisme, plus particulièrement de la protestation contre les préparatifs de guerre contre l'Irak. Le slogan « Contre le néolibéralisme, la guerre et le racisme » résumait la démarche des organisateurs, qui ajoutaient, toujours sous forme d'un slogan : « Une autre Europe est possible ».

Beaucoup de jeunes, qui constituaient une bonne part de ce rassemblement, exprimaient par leur présence leur refus de cette guerre injuste qui menace, mais aussi leur rejet des injustices et de la misère dus à une organisation économique aberrante. Une contestation légitime car cette société fonctionne à l'envers, non pas au service de la collectivité, mais contre elle.

Mais ce rassemblement, comme ceux qui l'ont précédé, ne se réduisait pas à cet aspect des choses. Parmi les personnalités présentes figuraient des représentants d'Attac, de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme, mais aussi de nombreux chevaux de retour des partis politiques traditionnels.

Pour l'Italie, on y a vu par exemple Bertinotti, le dirigeant de Refondation communiste ainsi que des représentants du parti des Démocrates de gauche qui, aujourd'hui dans l'opposition à Berlusconi, avaient été, il y a à peine quatre ans, au gouvernement, et rêvent d'y revenir. On y rencontrait l'ancien et le nouveau dirigeant du syndicat CGIL, l'équivalent italien de la CGT française, venus recevoir en quelque sorte un brevet de contestation à bon compte. Pour la France on a vu François Hollande y faire un aller-retour rapide, et quelques dirigeants du Parti Socialiste ex-ministres, ou qui oeuvrent à le devenir. Pour ces politiciens, dont certains viennent d'user leur crédibilité dans des gouvernements qui ont, avec un zèle affiché, géré les affaires de la bourgeoisie, ce type de rendez-vous est, sinon une source de jouvence, du moins un moyen de se refaire une virginité politique.

On pourrait s'en consoler en laissant croire que cette ambiguïté est secondaire, et qu'en bout de compte, la notoriété et l'influence de ces personnalités viennent conforter le mouvement, en contribuant à accroître son audience, à faire grossir la participation à de tels rassemblements. Cette façon de poser le problème relève d'un faux calcul. Se satisfaire du simple fait qu'on a vu ensemble cette gauche gestionnaire, et ceux qui contestent sa gestion et ses effets, dans les rues de Florence la semaine derrière, ou dans celles de Porto Alegre l'an passé, c'est se payer d'illusions, et surtout en cultiver.

Car l'opération ne se résume pas à une simple addition des apports de chacun. Elle est aussi et même essentiellement politique. Toute la question est de savoir qui sera en mesure de tirer bénéfice de la situation. Le mouvement qui porte ces jeunes à contester l'ordre actuel, disons plutôt le désordre ? Ou bien ces dirigeants politiques et syndicaux qui, eux, peuvent fort bien se retrouver dans la rue, y compris s'adresser aux jeunes et aux salariés, surtout quand cela ne les engage pas à grand-chose - et en professionnels de la politique et du syndicalisme, ils ont suffisamment de métier pour le faire ? Il a été plus facile, par exemple, au dirigeant du PS François Hollande de faire une apparition - même furtive - à Florence, histoire de pouvoir dire qu'il y était, qu'à lui et à son chef de file, Jospin, de s'opposer aux décisions d'un Michelin, ou d'aider les travailleurs de Renault à s'opposer à la fermeture d'une usine de ce groupe, à Vilvorde.

L'histoire a eu maintes occasions de répondre à une telle question. Pratiquement à chaque fois, ce sont les espoirs des jeunes et des travailleurs qui ont servi de tremplin aux calculs des politiciens et des dirigeants des appareils syndicaux que n'arrêtent pas quelques sifflets, et quelques hués, car cela fait partie des petits risques de leur métier. Il y a eu beaucoup de monde à Florence, des jeunes et des salariés pour crier non à la guerre, à la misère, au gâchis qu'engendre le système. Et on peut s'en réjouir. Mais à la condition de savoir dénoncer ceux qui se préparent à tirer les marrons du feux. Et cela ne peut se faire que si l'on dit les choses clairement, et publiquement, sans laisser croire que les adversaires affichés du monde du travail ont changé de camp parce qu'ils ont changé, très peu d'ailleurs, l'habillage de leur discours.

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