Indemnisation des victimes de l'amiante : Blocage gouvernemental15/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1789.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Indemnisation des victimes de l'amiante : Blocage gouvernemental

L'Association nationale des victimes de l'amiante, l'Andeva, vient de protester contre l'attitude du gouvernement qui entraîne le blocage du système d'indemnisation mis en place. En effet, à ce jour, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le Fiva, n'est toujours pas opérationnel. Les malades ou les familles des victimes décédées n'ont toujours pas accès aux indemnités promises.

La création de ce fonds avait été décidée par le gouvernement Jospin pour faire face à l'augmentation des contentieux juridiques, au moment où les tribunaux accordaient aux victimes ou à leur famille des indemnités pouvant atteindre plusieurs millions de francs au total. Son espoir - et celui du patronat - était que cette procédure d'indemnisation vienne limiter les contentieux juridiques et mutualiser les risques financiers. En effet, ce fonds est alimenté aux deux tiers par la branche accidents et maladies professionnelles de l'assurance-maladie, elle-même entièrement financée par les cotisations patronales ; et pour un tiers par l'État, en tant qu'employeur de secteurs où l'amiante a pu faire des ravages (les chantiers navals en particulier).

En clair, les grands groupes industriels qui ont contaminé en masse leurs salariés espèrent ainsi se dégager de l'essentiel de l'indemnisation. Les associations militant sur le terrain de la défense des victimes de l'amiante, l'Andeva associée à la Fnath (la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés), ont néanmoins considéré la mise en place de ce fonds comme une avancée pour tous ceux, et c'est l'écrasante majorité, qui ne sont pas prêts à affronter des procédures longues et toujours incertaines.

Mais le gouvernement Jospin a mis bien peu d'empressement à passer des effets d'annonce aux actes. La loi, annoncée à grand bruit par Martine Aubry en 2000, fut ensuite votée en décembre 2000, mais il fallut attendre le 24 octobre 2001 pour que le décret d'application soit publié au Journal Officiel, et seulement le 29 mars 2002 pour que soit enfin désigné le président du conseil d'administration du Fiva. Or c'est ce conseil d'administration, composé de treize autres membres, représentants de l'État, du patronat, des organisations syndicales, de l'Andeva et de la Fnath, qui doit définir les règles d'indemnisation applicables à tous les futurs demandeurs.

Alors que les représentants des associations, rejoints par les syndicats, ont demandé que l'évaluation des incapacités des malades s'aligne sur celle de la Sécurité sociale, le patronat, plus ou moins rejoint par les représentants de l'État, préférerait qu'on s'aligne sur un autre barème mis au point par les compagnies d'assurances privées. A titre d'exemple, une des affections les plus graves, le mésothéliome, cancer de la plèvre spécifique à l'amiante, dont l'issue est toujours mortelle encore aujourd'hui, entraîne selon la Sécurité sociale une incapacité de 100 %. Mais le barème des assurances ne reconnaît qu'une incapacité variant de 15 à 60 %.

Tout cela est tellement sordide que le gouvernement n'a sans doute pas trop envie que cela vienne sur la place publique, et a donc choisi de faire traîner les choses en reportant toujours à plus tard la définition d'une position, qui devrait faire droit aux demandes des victimes, sous peine, sinon, d'apparaître comme un scandaleux blanc-seing au patronat.

Il y a quelques années, seules quelques centaines de salariés arrivaient chaque année à surmonter l'obstacle, en devant souvent avoir recours au tribunal. Mais, même si la réglementation s'est améliorée, les obstacles demeurent. Et alors que, chaque année, au moins 2000 personnes meurent en France victimes de l'amiante, le taux de reconnaissance en maladie professionnelle liée à l'amiante reste très en dessous de la réalité. Il faut parfois des occupations de caisses de Sécurité sociale pour faire pression afin d'obtenir la simple application de la loi.

Les experts des assurances estiment entre un et dix milliards d'euros le montant du risque financier lié au problème de l'amiante pour les entreprises. Pour les victimes, on avance le chiffre prévisionnel de 100 000 morts. Et jusqu'à ce jour, dans le pays, pas un procureur, dont les directives viennent du gouvernement, n'a entamé des poursuites, suite aux centaines de cas déjà jugés qui ont mis en évidence les fautes des employeurs. Alors la décence voudrait que gouvernement et patronat mettent enfin un terme aux obstacles qui s'opposent encore à l'application de la réglementation mise sur pied pour compenser, un tout petit peu, l'immensité d'un désastre humain dont ils portent l'entière responsabilité.

Partager