Guadeloupe : "Climat social détestable", tant mieux !15/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1789.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guadeloupe : "Climat social détestable", tant mieux !

L'UGTG (Union Générale des Travailleurs Guadeloupéens), confédération de tendance indépendantiste qui, avec la CGTG, compte parmi les deux plus importantes confédérations syndicales de l'île, a appelé à la lutte à partir de mardi 12 novembre. Ses dirigeants ont tenu à expliquer qu'ils n'appelaient pas à une grève générale mais à une « mobilisation générale ».

Les raisons de cette mobilisation : le mécontentement des travailleurs dans plusieurs secteurs mais surtout au sein de la compagnie américaine Texaco.

Le conflit de Texaco... et les autres

Dans cette entreprise, un différend oppose depuis plusieurs mois les dirigeants de Texaco à un groupe de travailleurs d'une station-service. Ces derniers réclament la reprise de la gérance de cette station après la démission de leur ancien gérant. Texaco s'y oppose prétendant qu'il y a déjà un repreneur. Les travailleurs estiment qu'ayant travaillé là depuis de nombreuses années, ils sont naturellement prioritaires.

Face à l'intransigeance des dirigeants de Texaco Antilles, les travailleurs se sont donc mobilisés. Les chauffeurs de camions de livraison se sont à plusieurs reprises mis en grève, privant de carburant toutes les stations Texaco de l'île.

Vendredi 8 novembre lors d'un meeting, les dirigeants de l'UGTG ont décidé devant 300 personnes présentes de mobiliser l'ensemble de la confédération dans un mouvement qui, selon eux, devrait aller croissant dans les jours qui viennent. Certes, ces appels ne sont pas sans arrière-pensées électorales, vu la proximité des élections prud'homales. Mais il est vrai aussi que la grogne qui existe dans de nombreux secteurs n'est pas une invention de leur part. Les usagers de la route, de peur d'un blocage des dépôts de carburant par d'éventuels grévistes, se sont rués sur les stations-service, occasionnant des files d'attente interminables. Lundi 11 novembre au soir il était impossible de trouver du carburant. C'est une situation qui s'est déjà produite à plusieurs reprises au cours des mois de septembre et d'octobre.

Dans l'ensemble, la population comprend les travailleurs de Texaco en lutte. Chacun sait que les salariés ont affaire à l'une des plus grosses compagnies pétrolières du monde, qui réalise des milliards de dollars de profits. Là encore ce sont ces rapaces qui créent la pagaille en refusant à des salariés la gérance de la station- service. Face à ces gros capitalistes, la sympathie de la population va évidemment aux travailleurs.

Dans les communes, de nombreux travailleurs municipaux sont en grève. Sur l'île de la Désirade, le maire refuse de prolonger le contrat d'une employée sous prétexte qu'elle est « algérienne » et membre de l'UGTG. A « Vieux-Habitants », comme dans la commune du Lamentin, les employés de mairie sont en grève depuis près de deux mois. Ils réclament tout simplement l'application du statut des fonctionnaires territoriaux face au député-maire du PS local, particulièrement intransigeant et méprisant.

Au CHU de Pointe-à-Pitre Abymes, la CGTG a déposé un préavis de grève pour le 21 novembre car le manque de personnel et de matériel est absolument criant et révoltant : diminution des équipes de soin, pas d'embauches, pas de respect des 35 heures, gestion catastrophique. La grève est conçue comme une grève d'avertissement mais elle traduit un profond mécontentement.

Une campagne anti-ouvrière aux relents coloniaux

Alors oui, il y a effectivement un climat social « détestable aux Antilles » comme le dit le dirigeant du groupe Accor. Mais ce climat est créé par le patronat et l'administration. Ce sont eux qui créent et font perdurer des conditions telles que les travailleurs n'ont d'autre choix que la lutte. Et il leur faut de surcroît se battre, durement même, pour faire appliquer les lois et règlements de l'État français comme ceux qui régissent la fonction territoriale dans les mairies. C'est pour l'application de tels textes que les travailleurs de la centrale électrique bagasse-charbon du Moule ont déclenché deux grèves au cours de l'année, privant d'électricité une partie de la population. L'administration, les ministres concernés et le Conseil d'État ont fini par reconnaître que les travailleurs avaient le droit légal d'obtenir le statut du personnel des industries gazières et électriques. Mais encore aujourd'hui, cette grève est citée par le lobby d'affaires comme une grève ayant nui au tourisme ! Quel cynisme !

Faudrait-il donc se taire et accepter les pires discriminations, vexations de toutes sortes pour que le climat social soit moins « détestable » ? Que les patrons et l'administration aux Antilles, dont les gènes colonialistes sont tenaces, commencent par respecter les travailleurs antillais.

Aux Antilles, les patrons dans leur écrasante majorité sont blancs alors que les travailleurs sont noirs. Les séquelles coloniales sont donc lourdes. Combien de travailleurs noirs sont victimes quotidiennement de vexations racistes et méprisantes, plus voilées que directes mais non moins ressenties. C'est le ton général du patron à l'égard de l'ouvrier, certes, mais avec ce « supplément colonial » auquel a droit le travailleur noir.

La campagne que le lobby patronal mène actuellement aux Antilles et en France n'est pas une campagne « contre les Antilles » mais une campagne contre les travailleurs antillais, parce qu'ils se battent pour leurs droits et pour leur dignité.

Alors souhaitons que ces grèves, ces luttes, ces combats débouchent sur un rapport de force plus important permettant de faire céder ce patronat rapace et... trop souvent raciste.

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