Enseigner le « fait religieux »... sans oublier les méfaits religieux15/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1789.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Enseigner le « fait religieux »... sans oublier les méfaits religieux

Le ministre délégué à l'Enseignement scolaire, Xavier Darcos, a appelé 300 de ses cadres à développer l'enseignement des faits religieux, lors d'un séminaire (le mot est bien choisi !) du 5 au 7 novembre. Il ne fait là que poursuivre l'action engagée par le socialiste Jack Lang en mars dernier. Régis Debray, l'auteur du rapport commandé par Lang, animait la rencontre. Et rappelons que Luc Ferry, qui est ministre de l'Education nationale dans l'actuel gouvernement, était directeur des programmes dans le cabinet de Lang, son prédécesseur de gauche. Il incarne en sa personne, et dans les idées, la continuité.

Tous ces bons apôtres prennent mille précautions pour dire qu'il ne s'agit pas de cours de religion, grand dieu non ! On développera « une approche plus complète et transversale » des phénomènes religieux pour, disent-ils, lutter contre le « déficit culturel » des élèves et développer « l'esprit de tolérance », d'une manière « totalement laïque », insistent-ils.

Mais dans les prises de position de Chirac, Ferry, Darcos et Debray, ou celles des ex-ministres de l'Education Chevènement, Bayrou et Lang, on constate en permanence le souci de ne pas faire connaître aux jeunes la réalité, la vérité sur le rôle des religions dans l'histoire. Les religions sont à la mode aujourd'hui. Même ceux qui n'y croyaient pas quand ils étaient plus jeunes trouvent de bon ton de marquer leur respect et leur tolérance envers les croyances.

Régis Debray déclare, par exemple : « On est en droit de penser que ces mythes sont des symptômes d'ignorance et d'arriération, mais l'ignorance de ces mythes serait aussi un signe d'arriération et d'ignorance. » Le parallèle est hypocrite et faux. Ceux qui croient dans les mythes religieux sont arriérés, sans être nécessairement ignorants. Ceux qui sont libérés des croyances religieuses sont bien plus « avancés » de ce point de vue, même si par ailleurs ils sont ignorants. Méconnaître le mythe d'Adam et Ève est peut-être un manque de culture, qui gêne pour comprendre certains poètes et peintres classiques. Mais y croire est une absurdité, qui tue à peu près toute culture et contredit la biologie, l'archéologie, l'histoire et bien d'autres sciences.

Pour cultiver la jeunesse, quel besoin de mettre l'accent sur le « fait religieux » ? Il suffit d'enseigner l'histoire, sans oublier l'histoire des sciences, où l'on rencontre à chaque pas l'obstacle constitué par la religion. Que les élèves sachent que la conception religieuse du monde est une tentative primitive, imaginaire, d'expliquer le monde et d'agir sur lui. Qu'ils comprennent le rôle que les religions ont joué bien souvent dans la constitution des civilisations et des nations, et dans le déroulement de leur histoire. Les croisades, l'Inquisition, la Saint-Barthélemy, la révocation de l'édit de Nantes, l'affaire Calas, et bien d'autres ignominies font-elles encore partie de l'histoire de France que l'on enseigne ? En tout cas, ces épisodes font encore partie des programmes. Et ils fournissent de quoi illustrer de nombreux aspects du « fait religieux », sans qu'on ait besoin de rappeler les enseignants à l'ordre.

Mais ces aspects-là, peut-être le ministre Xavier Darcos préférerait-il les cacher plutôt que les mettre en lumière. Pourtant, les faits religieux, c'est cela, et surtout cela.

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