Anciens combattants étrangers : De Jospin à Raffarin, le mépris reste15/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1789.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Anciens combattants étrangers : De Jospin à Raffarin, le mépris reste

Les autorités françaises ont été reconnues coupables de discrimination à l'égard des anciens combattants étrangers, il y a tout juste un an. En novembre 2001, un arrêté du Conseil d'État donnait raison à la requête d'un tirailleur sénégalais de l'armée française qui réclamait la revalorisation de sa pension militaire bloquée depuis l'indépendance de son pays et condamnait la France à payer les arriérés de pension.

Cet arrêté ouvrait la voie à la revalorisation des pensions de près de 85 000 combattants étrangers qui étaient dans la même situation et encore en vie. L'addition - pensions et retraites de l'année plus rappel des arriérés - promet d'être lourde et s'élève déjà à 1,83 milliard d'euros. Depuis, les gouvernements, celui de Jospin comme celui de Chirac-Raffarin, tergiversent et tentent de contourner la loi pour débourser le moins possible.

Le gouvernement Jospin avait joué le pourrissement, invoquant les prétextes les plus fallacieux. Florence Parly, secrétaire d'État au Budget de l'époque, avait eu le culot de déclarer que cette revalorisation (c'est-à-dire la multiplication par cinq ou six des pensions des anciens combattants étrangers) contribuerait à provoquer « une véritable perturbation de l'économie locale en créant de subites fortunes pour quelques centaines de personnes » ! Tous ces ministres et sous-ministres ne manquent pas de cynisme, surtout quand ils se font tirer l'oreille pour réparer une injustice, en réintégrant dans leurs droits des dizaines de milliers de soldats étrangers qui ont été spoliés pendant plus de quarante ans. Ils n'ont pas les mêmes scrupules lorsqu'ils arrosent le patronat français ! Ils n'en ont pas non plus lorsqu'il s'agit d'augmenter les crédits militaires ou de financer un nouveau porte-avions.

Le gouvernement Chirac-Raffarin reprend à son compte les projets et arguments développés par Jospin. Ainsi, Raffarin compte bien augmenter les pensions et retraites... mais en tenant compte du niveau de vie de chaque pays concerné ! Curieuse conception de l'égalité des droits entre soldats français et étrangers ! Le Gisti, une association de défense des travailleurs immigrés, dénonce ce tour de passe-passe qui « bafoue les décisions de justice » , rapportant que « les services de l'administration ont reçu des instructions pour ne pas répondre aux demandes de revalorisation adressées par les anciens combattants et anciens fonctionnaires de nationalité étrangère ». Aussi seuls ceux ayant la volonté, le temps, l'énergie et l'argent pour aller en justice pourraient voir leurs droits reconnus par un juge et peut-être toucher leur argent, s'ils sont encore en vie.

La même association ajoute : « L'ancien combattant ou l'ancien fonctionnaire français qui décide de résider à l'étranger ne verra pas, lui, le montant de sa pension changer en fonction du niveau de vie du pays de résidence. Il s'agit donc bel et bien de perpétuer la discrimination sous une autre forme. »

Ce mépris de l'État français à l'égard des centaines de milliers de soldats étrangers qu'il a enrôlés, souvent de force, utilisés comme chair à canon sur tous les champs de bataille de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, n'est pas chose nouvelle. Il se manifestait déjà sur le terrain, lorsqu'il s'agissait d'envoyer ces soldats aux premières lignes. Hier, les gouvernements avaient pu les utiliser, y compris comme forces supplétives pour écraser les révoltes anticolonialistes à Madagascar en 1947, au Viêt-nam, ou en Algérie quelques années plus tard. Un mépris qui se manifeste encore aujourd'hui, lorsqu'il s'agit de payer à ces militaires ce qui leur est dû.

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