Hôpitaux : Austérité budgétaire face à une situation d'urgence08/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1788.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpitaux : Austérité budgétaire face à une situation d'urgence

Alors que le Parlement s'apprête à voter, comme si de rien n'était, un budget d'austérité pour la santé, les témoignages s'accumulent sur la dégradation des conditions de soins dans les hôpitaux.

Sur une trentaine de médecins responsables de services hospitaliers interrogés par le quotidien Libération, tous répondent qu'ils ne peuvent faire face aux besoins. Certains évoquent une situation " à l'anglaise ". Des lits fermés pendant les vacances ne sont toujours pas disponibles, faute de personnel. Dans bien des spécialités, les délais pour obtenir un rendez-vous se mesurent non plus en semaines, mais en mois. Et encore les témoignages ne précisent-ils pas, quand on a affaire à un médecin disposant de consultation et de lits privés, l'aggravation des choix en faveur des plus aisés ou de la notoriété, au détriment de ceux qui ont peu de moyens.

Ainsi, des opérations sont retardées, et un médecin évoque " une perte de chances " pour les malades. " Comment rendre sélective une liste d'attente ? On jongle, on délègue ", déclare le directeur de l'Institut Curie à Paris. Au service de réparation nerveuse d'un autre hôpital, " la liste d'attente est gérée brutalement : l'immense majorité des malades est refusée ". La pénurie de personnel qui se généralise entraîne, aux Urgences, une situation souvent inextricable. L'équipe soignante passe un temps énorme à chercher un lit disponible dans un service adapté ; des malades restent plus de douze heures dans les couloirs, tandis que certains sont renvoyés dans d'autres hôpitaux alors que leur transport accroît le danger.

De telles situations ne sont pas apparues soudainement. Les plans d'économies sur la santé et autres plans de redressement de Sécurité sociale menés par les gouvernements successifs ont conduit à ce triste bilan. Des services et des hôpitaux entiers ont été fermés dans des villes moyennes, ce qui rend plus difficile l'accès aux soins pour la population et engorge un peu plus les établissements des agglomérations plus importantes. Cent mille lits ont été supprimés depuis 1980, et encore 10 000 en 2001. Et, outre ces restrictions décrétées par les agences régionales d'hospitalisation qui exécutent la politique gouvernementale, il y a les lits fermés dans l'urgence, parce que tel ou tel service ne dispose plus du personnel nécessaire auprès des malades.

C'est que des écoles d'infirmières ont été supprimées, alors qu'il aurait fallu au contraire en ouvrir. La pénurie est également importante pour les médecins et les autres catégories de personnel, notamment les aides-soignantes qui ne sont pas remplacées lors des départs en retraite.

L'application des 35 heures est venue aggraver les choses car elle s'est effectuée sans moyens supplémentaires. Au lieu de recruter et de former le personnel nécessaire, le gouvernement a exigé des " restructurations " à effectifs pratiquement stables, ce qui a conduit à des situations catastrophiques. Le personnel surmené se voit souvent refuser les jours de repos compensateurs pour la réduction du temps de travail. " La pénurie s'est installée durablement, puisqu'on compte désormais 1 100 postes infirmiers vacants dans les hôpitaux de la périphérie parisienne et autant dans ceux de l'Assistance publique ", a reconnu un député PS, maintenant qu'il est dans l'opposition, lors de la discussion sur le budget de la santé. " En Seine-Saint-Denis, un tiers des lits de maternité ont été fermés depuis dix ans, alors que la natalité est restée stable, et les fermetures continuent, quand le nombre de naissances repart à la hausse depuis trois ans ! ", a ajouté une députée PC. Intervenant à son tour, l'actuel ministre de la Santé, Jean-François Mattéi, n'avait plus qu'à railler les députés de gauche qui se sont placés " dans la posture de l'arroseur arrosé "... avant d'annoncer qu'il continuera la même politique !

En effet le ministre admet que les infirmières nécessaires ne seront pas formées. Alors que le nombre de places proposées au concours d'entrée aux écoles d'infirmières est de 26 000, Jean-François Mattéi " constate " que " le nombre d'inscrits ne dépasse pas 24 000 ". Il entonne la litanie du patronat sur le soi-disant " manque de main-d'oeuvre ", faute de postulants. Mais il n'envisage pas d'améliorer les conditions de travail et les salaires !

Au lieu de cela, le gouvernement reprend une " idée " déjà émise par la gauche l'an dernier : il envisage d'avoir recours à des infirmières retraitées. C'est un palliatif qui lui sert d'alibi pour refuser les moyens nécessaires à un service public.

Partager