Tchétchénie : Un pays ravagé par l'armée russe01/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1787.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tchétchénie : Un pays ravagé par l'armée russe

La prise d'otages à Moscou a remis sur le devant de la scène le conflit qui depuis huit ans oppose l'armée russe à la population tchétchène. Cette sale guerre a déjà causé la mort de dizaines de milliers de civils, rasé de nombreux villages, transformé en champ de ruines Grozny, la capitale de la Tchétchénie, et dépeuplé cette république caucasienne, dont la population serait passée de 1,2 million à l'époque soviétique à 400 000 aujourd'hui.

De son côté, l'armée russe a également payé un lourd tribut à cette guerre déclenchée par Eltsine et reprise par Poutine : des milliers de soldats y ont perdu la vie.

Ancienne république autonome au sein de la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie, et à ce titre rattachée à l'ex-Union soviétique, la Tché- tchénie a profité de l'éclatement de l'URSS pour déclarer son indépendance - jamais reconnue par Moscou, ni par la plupart des autres États - en novembre 1991. Confronté au même type de fronde dans toute la Russie, Eltsine fut bien obligé de laisser faire. Mais le pouvoir indépendant n'avait d'État que le nom : l'autorité de son président, un général, se limitait à Grozny, le reste de la Tchétchénie étant contrôlé par des clans et des chefs de guerre, qui mirent le pays en coupe réglée.

Fin 1994, le Kremlin crut pouvoir réaffirmer son autorité. Les troupes russes envahirent le pays et le ravagèrent durant vingt mois, provoquant l'exode de centaines de milliers d'habitants et causant la mort de dizaines de milliers d'autres. Mais malgré sa supériorité numérique et matérielle, l'armée russe ne put jamais tenir le terrain. Et l'ampleur des pertes dans ses rangs accéléra sa décomposition.

Finalement, quelques semaines avant l'élection présidentielle de 1996 qui se présentait mal pour lui, Eltsine signa la paix et retira ses troupes. Le Kremlin s'engagea à reconstruire le pays et accepta la tenue d'un référendum sur l'indépendance en 2001.

Les seigneurs de guerre, héros de la résistance antirusse, profitèrent de la situation pour renforcer leur emprise sur le pays, tout en le plongeant dans le chaos.

En octobre 1999, Eltsine et son dauphin Poutine relancèrent le conflit. Comme prétexte, ils invoquèrent les incursions de troupes tchétchènes islamiques dans la république russe voisine du Daghestan et une série d'attentats visant de grandes villes russes, dont Moscou, attentats qui furent attribués aux " terroristes tchétchènes " sans que jamais le Kremlin n'en ait apporté la moindre preuve. Il s'en suivit une campagne raciste, assimilant tous les Tchétchènes vivant en Russie à des terroristes, tandis que la police se lançait dans une chasse au faciès et des vagues massives d'arrestations. Poutine, jusque-là peu connu, en profita pour flatter le nationalisme russe et asseoir son image en se montrant résolu dans la lutte contre le terrorisme. Il expliqua que puisqu'on n'avait pu arrêter les terroristes en Russie, il fallait aller les chercher chez eux, lui-même se disant prêt textuellement à " aller les buter jusque dans leurs chiottes " !

De 35 000 soldats envoyés en Tchétchénie en 1994, on passa à 90 000 en 1999. Et sous couvert d'" opérations antiterroristes ", le pays fut soumis à des bombardements aériens massifs tandis que, au sol, la soldatesque se livrait à toutes les horreurs dont peut être capable une armée d'occupation.

Du côté des puissances occidentales, personne ne trouva à redire à ces massacres de populations civiles. De Clinton à Chirac et Jospin, tous ne voulaient voir dans cette guerre qui ne disait pas son nom qu'" une affaire intérieure russe ". Il est vrai qu'à l'époque, les troupes de l'OTAN menaient la même politique vis-à-vis de la Serbie, ensevelissant des milliers de civils serbes et kosovars sous de prétendues " frappes chirurgicales ".

Depuis, les atrocités commises par l'armée russe n'ont cessé, poussant dans les bras des groupes terroristes ceux qui cherchent à se venger ou faire entendre leur désespoir. Quitte à prendre en otages, à leur tour, des civils russes tout aussi innocents que les civils écrasés sous les bombes en Tchétchénie.

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