La sale guerre contre la Tchétchénie fait des victimes à Moscou01/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1787.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

La sale guerre contre la Tchétchénie fait des victimes à Moscou

Cent dix-sept morts parmi les otages, mais peut-être bien plus avec ceux qui sont en train de mourir dans les hôpitaux, voilà le bilan de l'intervention des forces de l'ordre russes pour mettre fin à la prise d'otages. Quant aux preneurs d'otages, ils sont presque tous morts, froidement exécutés pour nombre d'entre eux.

Bien sûr, l'action du commando tchétchène qui a pris en otage tout le public d'un théâtre est humainement inacceptable et politiquement injustifiable. Le commando a pris consciemment le risque que son acte se termine en tragédie, non seulement pour lui-même mais aussi pour tous les otages. Les méthodes terroristes, même lorsqu'elles sont pratiquées au nom d'un peuple opprimé, ne servent pas mais desservent ce dernier.

Mais on ne peut qu'être écoeuré par les méthodes utilisées par les forces de l'ordre russes qui ont délibérément choisi de sacrifier la vie des otages en utilisant une arme chimique de destruction massive, comme dirait Bush, manifestement faite pour tuer. Personne ne peut savoir si les otages allaient être exécutés par les preneurs d'otages mais ceux qui sont morts ont été tués par les forces d'intervention russes.

En choisissant de mettre fin à la prise d'otages de cette façon horrible, Poutine a renforcé son image d'homme fort. Il a surtout montré la barbarie de son État qui transforme une salle de théâtre en chambre à gaz.

Mais ce qui est plus barbare encore, c'est la guerre que le gouvernement russe mène là-bas, dans cette région du Caucase appelée Tchétchénie. Une sale guerre qui s'apparente à une guerre coloniale menée contre tout un peuple pour préserver les intérêts de l'État russe dans une région stratégique. Une guerre féroce où les généraux russes ont les mains libres pour terroriser la population en jouant avec la peau de leurs propres soldats.

Les quelques images qui parviennent de cette guerre et qui passent de temps à autre à la télévision montrent la capitale tchétchène, Grozny, transformée en champ de ruines, avec des femmes, des hommes et des enfants qui tentent de survivre au milieu des bombardements et de la répression. Mais ce terrorisme-là, le terrorisme d'État, ne soulève pas l'indignation des grands de ce monde. Si tous les chefs d'État ont assuré à Poutine leur solidarité pendant l'action des terroristes à Moscou, aucun d'entre eux ne fait à Poutine le procès pour le terrorisme qu'il exerce en Tchétchénie.

C'est que, pour les grandes puissances, la " lutte contre le terrorisme " a toujours été le prétexte pour utiliser elles-mêmes, mais à une grande échelle, les méthodes terroristes pour préserver leurs propres intérêts. Apprenant la mort du général Massu, Chirac a tenu à rendre hommage à " ce très grand soldat ". Mais combien d'Algériens ont été torturés et sommairement exécutés, sous l'autorité de ce dernier, au nom de la " lutte contre le terrorisme ", alors qu'il s'agissait de perpétuer la domination coloniale sur l'Algérie ?

C'est en invoquant la " lutte contre le terrorisme " que Bush a fait bombarder l'Afghanistan pendant des semaines, en massacrant des milliers d'Afghans qui n'étaient pas les responsables mais les victimes de la dictature des talibans.

Et c'est encore au nom de la lutte contre le terrorisme que les États-Unis préparent la guerre contre l'Irak, avec la complicité de toutes les grandes puissances, y compris la France, malgré quelques minauderies de Chirac à l'ONU ou ailleurs. Mais combien de civils innocents mourront dans une guerre que les États-Unis prétendent mener contre le seul Saddam Hussein ?

Tous ces gens, de Poutine à Bush, en passant par Chirac, ne dénoncent le terrorisme des petits groupes que pour mieux justifier le terrorisme d'État. Mais le terrorisme d'État n'est pas plus justifiable que celui des preneurs d'otages de Moscou, ni dans ses méthodes, ni dans ses objectifs. Car la méthode, de la Tchétchénie à l'Irak, en passant par l'Algérie ou l'Afghanistan, c'est de tuer des innocents pour terroriser tout un peuple. Et l'objectif, c'est maintenir un ordre mondial basé sur le pouvoir des puissants sur les opprimés, des riches sur les pauvres, et des grandes nations impérialistes sur les petits peuples.

Partager