Belgique (Cockerill-Sambre) : Une politique d'économies criminelle !01/11/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/11/une1787.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Belgique (Cockerill-Sambre) : Une politique d'économies criminelle !

Le mardi 22 octobre à 8 h 50 à la cokerie d'Ougrée en banlieue de Liège, une violente explosion a tué deux de nos camarades et en a blessé 27 autres, dont 13 très grièvement. Plusieurs, gravement brûlés, sont encore entre la vie et la mort.

La cokerie est une des divisions de Cockerill-Sambre, filiale belge du groupe français Arcelor. On y produit du coke dans des fours où le charbon est brûlé à 1 000 degrés pendant 16 heures. Le gaz qui se dégage est évacué par des conduites et c'est une accumulation anormale de méthane qui aurait provoqué la déflagration.

La direction tente de se dédouaner en rejetant la responsabilité sur les travailleurs de la sous-traitance et en parlant d'erreur humaine. Mais c'est elle la seule responsable. Cela fait des années qu'elle réalise des économies sur la sécurité. Tout le monde connaissait les risques, on savait que cela pouvait arriver à tout moment, dans n'importe quel bout de l'usine. En mai dernier, il y a eu déjà un mort.

Il y a vingt ans, nous étions encore 40 000 travailleurs à Cockerill. Mais les plans de suppressions d'emplois n'ont cessé de se succéder : un plan " Horizon 2000 " a supprimé 2 000 emplois et un plan " Delta ", en cours, va encore en supprimer 2 000 d'ici à la fin 2003. Les effectifs de l'entreprise sont passés en quatre ans de 10 000 à 6 000.

La direction choisit d'économiser de l'argent en faisant appel à des firmes sous-traitantes pour faire des réparations à moindre coût. Pour les ouvriers de ces firmes extérieures, les conditions de travail sont extrêmement pénibles : on ne leur fournit pas de vêtements adaptés, leur sécurité n'est pas assurée, ils subissent une totale flexibilité, avec des journées de travail pouvant atteindre une durée de 16 heures... Ce sont souvent eux qui font les frais des accidents mortels et, encore cette fois, les deux camarades tués étaient des intérimaires d'une firme sous-traitante : un jeune de 20 ans, dont c'était le deuxième jour de travail, et un travailleur algérien de 35 ans.

Non seulement la direction de Cockerill-Sambre tolère la situation, mais elle la favorise pour augmenter encore ses profits. Elle se refuse à faire les réparations nécessaires, comme à Chertal où sont les cornues d'acier en fusion et où l'on risque à tout moment l'explosion à cause de fuites d'eau... C'est une politique criminelle. Il faut rappeler que depuis la constitution du groupe Arcelor, en 2001, il y a eu pas moins de 21 morts à l'échelle du groupe...

Face à cette situation, les directions syndicales n'encouragent aucune véritable réaction des travailleurs. Après l'accident, il y a eu un arrêt de travail de 24 heures, et plus aucun appel. Aucun débrayage n'a été organisé le jour de l'enterrement. Les directions syndicales marchent dans le chantage de la direction qui menace de fermer le site de Liège si le plan " Delta " n'est pas rapidement appliqué. Pire : la FGTB et la CSC, les principaux syndicats de l'usine, ont signé un accord avec les patrons selon lequel toute grève doit être signalée par un préavis neuf semaines avant ! Autant dire un engagement à ce qu'il n'y ait plus aucune grève...

Dans l'usine, beaucoup de travailleurs sont encore sous le choc. C'est du côté des jeunes que la colère se fait surtout sentir : il y a eu de sévères invectives contre des contremaîtres. Des ingénieurs qui passaient dans les ateliers se sont fait insulter... C'est un fait que la direction se fiche de notre sécurité. Nos vies ne valent rien au regard de ses profits.

Deux camarades sont décédés, d'autres esquintés à vie. Dramatique et scandaleux qu'on puisse encore mourir au XXIe siècle dans une entreprise qui annonce fièrement être l'un des tout premiers trusts mondiaux de la sidérurgie.

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