USA : Sans travail ? Essayez la prison !18/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1785.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

USA : Sans travail ? Essayez la prison !

On entend parler de travail mal payé dans certains pays de la planète mais il y a une autre source de travail mal payé aux États-Unis même, sans que personne ait une frontière à franchir. Ces travailleurs gagnent entre 25 cents et 1,15 dollar de l'heure (soit sensiblement les mêmes chiffres en centimes d'euro et en euros) - un vrai cadeau pour tout patron avide de profits.

On trouve cette force de travail dans les prisons américaines qui louent des prisonniers à des compagnies qui en retirent des profits. Mises en place sous l'appellation commerciale Unicor, les Federal Prison Industries (Industries des prisons fédérales) ont vendu pour 583 millions de dollars de biens et services l'an dernier - presque en totalité au gouvernement fédéral, mais aussi par contrat à quelques grands groupes. Leur plus gros client a été le ministère de la Défense.

Unicor est à la tête de 100 ateliers dans les prisons, pour le compte du Bureau des prisons, employant 22 510 prisonniers fédéraux. Ces prisonniers fabriquent des meubles, des vêtements de travail, des uniformes pour l'armée, de la literie, de l'équipement électrique, ils opèrent des saisies de données informatiques et des envois de courrier à grande diffusion. En plus, Unicor a engagé comme sous-traitants d'autres entreprises qui utilisent le travail des prisonniers dans le cadre de programmes Unicor et ont ainsi un acheteur garanti. Aujourd'hui, il y a concurrence entre ces firmes pour obtenir un de ces contrats. Quoi de mieux que de disposer d'une force de travail à bas prix - privée de tout droit et qui ne peut même pas démissionner !

Selon le syndicat International Association of Machinists, il y a 50 000 autres prisonniers dans des établissements dépendants des divers États du pays, qui produisent un autre milliard de dollars de biens chaque année, avec ces mêmes salaires de misère.

Le travail des prisonniers n'est pas chose nouvelle. On le trouve dans l'histoire des États-Unis depuis au moins cent ans. Depuis environ 1890 jusqu'en 1930, les prisons du sud utilisaient des prisonniers pour toutes sortes de travaux. Ils travaillaient dans les champs, coupaient des arbres, posaient des voies ferrées et extrayaient du charbon. Chaque fois qu'il fallait de la main-d'oeuvre, les shérifs du sud fabriquaient des accusations pour arrêter des pauvres - des Noirs pour la plupart - les envoyant travailler pour des salaires de misère ou pas de salaire du tout, cela étant inclus dans la sentence. L'esclavage, aboli grâce à la guerre de Sécession (1860-1865), n'avait pas disparu - il avait seulement pris cette forme nouvelle.

Le plus important utilisateur du travail des prisonniers en Alabama au début du siècle était la Compagnie Charbon, Acier et Chemin de fer du Tennessee, rachetée par US Steel, le grand trust de l'acier, en 1907. Travaillant comme des esclaves - les coups de fouet étaient monnaie courante - ces hommes mouraient rapidement et étaient enterrés dans des tombes anonymes près des installations de la compagnie.

Le PDG de l'US Steel, Elbert Gary, affirma avoir donné des ordres pour faire cesser ces pratiques. Cependant elles ont continué au moins six années de plus, comme cela fut mis en évidence en 1913 par une enquête sur le travail dans les prisons d'Alabama. Mais les responsables de cet État n'étaient pas plus concernés que ne l'étaient ceux de l'US Steel. Un inspecteur des prisons écrivait, en 1922 : " Nos prisons sont des machines à faire de l'argent ."

Apparemment, cette activité lucrative a encore la faveur des responsables du système carcéral, car elle prend de l'importance de nos jours. Cela illustre le fonctionnement irrationnel du capitalisme : incapable de fournir un emploi à tous, le système engendre une situation où les laissés-pour-compte se retrouvant en prison... sont employés par les mêmes capitalistes, mais avec des salaires encore plus bas !

C'est cette société qu'il faut condamner, et non pas les milliers de pauvres qui devraient trouver un travail avec un salaire correct, au lieu d'être transformés en quasi-esclaves.

The Spark, 23 septembre - 7 octobre 2002

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