Téléphonie : Une guerre commerciale... payée par les travailleurs18/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1785.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans l'enseignement

Téléphonie : Une guerre commerciale... payée par les travailleurs

Avec la baisse des marges bénéficiaires dans le secteur de la téléphonie, une gigantesque guerre des prix fait rage à l'échelle de la planète entre les entreprises de ce secteur.

Une course aux salaires les moins chers est en train d'amener les fabricants à laisser la place aux sous-traitants, et tous ces employeurs à parcourir conjointement la Terre entière à la recherche des travailleurs les moins chers possible, tout en écumant toutes les aides étatiques possibles.

Une exploitation sans frontières, de l'europe de l'ouest à celle de l'est...

En France, on a un exemple de ce type de choix cynique avec Mitsubishi qui, après avoir perçu pendant dix ans les aides de l'État, annonce la fermeture de son usine à Etrelles pour la fin de cette année. Mais quasiment toutes les entreprises de cette branche ont des projets du même ordre. Philips et Alcatel ont déclaré vouloir se débarrasser de leurs secteurs de fabrication de téléphones mobiles (et des travailleurs qui les fabriquent par la même occasion !). Sagem a rassemblé sa production dans un seul site, à Fougères. Et une société comme Wavecom, PME de 800 personnes, garde en France ses services de recherche mais a déplacé à Timisoara, en Roumanie, sa fabrication.

Et l'Europe de l'Est est prise dans le même tourbillon de fermetures et de délocalisations à la recherche du coût du travail le plus bas.

Ainsi, la République tchèque avait été, à l'occasion des bouleversements politiques des pays de l'Europe orientale dans les années 1990, un des premiers pays de l'Est à accueillir un fabricant américain de composants électroniques, Flextronics.

Cette société avait bénéficié de 40 hectares, sur un " parc industriel ", créé par l'État et la municipalité, à Brno, qu'elle louait un euro par an ! Elle avait, de plus, été libérée de toute charge fiscale depuis son installation. Mais elle a décidé de jeter dehors ses 2 500 salariés pour se délocaliser en Hongrie ou en Asie - main-d'oeuvre à meilleur marché. Ce qui, au passage, ne lui vaudra aucun compte à rendre à l'État tchèque, le vice-Premier ministre social-démocrate Spidla ayant juste exprimé à ce sujet son rejet d'une " mauvaise expérience ", et l'agence gouvernementale tchèque chargée d'attirer les investissements étrangers ayant jugé que Flextronics avait rempli ses objectifs !

La même histoire, ou du moins son début, se répète à Timisoara, en Roumanie. Là, Solectron, un des principaux sous-traitants mondiaux de l'électronique, trust américain de 70 000 salariés, possédant 130 sites de fabrication dans le monde, vient de faire sortir de terre une usine ultra-moderne, tournant 24 heures sur 24, avec 4 152 salariés dont 800 ingénieurs. Leur salaire mensuel moyen est de 152 euros (un peu plus de 1000 F), un salaire supérieur à la moyenne locale, mais qui fait dire à un des dirigeants de Solectron Europe : " Nous bénéficions ici d'un personnel hautement qualifié, très diplômé avec une abondance d'ingénieurs, fortement motivé et à faible coût ."

A côté de Solectron, sur la même zone industrielle de Timisoara, on trouve Coca Cola, ABB, Continental, Procter et Gamble, Alcatel et Wavecom pour les sociétés françaises. Car, en France, on en est à un autre épisode de la même histoire, avec Solectron France qui avait racheté plusieurs usines à des fabricants traditionnels, et les ferme ou y réduit ses effectifs. A Bordeaux, l'ex-IBM, devenue Solectron, est passée de 2 000 à 1 500 personnes ; à Longuenesse, dans le Pas-de-Calais, l'ex-Ericsson, devenue Solectron, doit fermer ; à Pont-de-Buis, dans le Finistère, l'ex-Nortel Matra, devenue Solectron, va avoir 250 emplois supprimés sur 450.

..Et de l'europe à l'asie

E pendant ce même temps, en Chine, les grands noms de la téléphonie, Alcatel, Sagem, Sony-Ericsson, sont en train de nouer des contacts avec des sociétés " sans nom ", qui vont leur fabriquer des téléphones portables à des millions d'exemplaires, à un bas coût encore jamais atteint, et sur lesquels elles n'auront plus qu'à apposer leur marque.

Cette chasse au travail humain au plus faible coût a déjà un prix : 70 000 suppressions d'emplois ont été réalisées ces derniers mois dans la téléphonie en Europe, par Alcatel, Siemens, Ericsson, Nokia ; 10 000 viennent d'être annoncées par Lucent aux USA ; 7 000 par Nortel au Canada.

Et elle montre ce qu'il y a derrière les pubs scintillantes, élaborées pour faire passer pour de bonnes fées, aux baguettes magiques pleines de progrès technologiques, de véritables rapaces. Non, l'avenir n'est pas orange, contrairement au slogan de cette société. Il est lugubre, si ces profiteurs gardent la société entre leurs mains, et il y a tout à gagner qu'il soit, grâce à nos luttes, rouge !

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