L'attentat de Bali : Le prix de la politique impérialiste en Asie du sud-est18/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1785.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

L'attentat de Bali : Le prix de la politique impérialiste en Asie du sud-est

Le carnage de Bali n'est pas venu comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, comme on voudrait le faire croire. Sans doute, contrairement à d'autres pays où des attentats similaires ont eu lieu - comme le Pakistan ou le Yémen, sans parler de l'Afghanistan - l'Indonésie n'a pas été directement touchée par la guerre de Bush contre le terrorisme. Ou, devrait-on dire sans doute, pas encore. En revanche, l'Indonésie a un sanglant contentieux avec l'impérialisme.

Car ce pays doit à l'impérialisme et à ses agents locaux des décennies de souffrances. Après la Seconde Guerre mondiale, il lui fallut livrer quatre années de guerre contre l'armée britannique puis néerlandaise pour obtenir son indépendance. Moins de vingt ans plus tard, en 1965, les dirigeants de Washington apportèrent leur appui politique et matériel au coup d'État militaire de Suharto, qui se solda par un bain de sang dans les rangs des forces de gauche du pays, en particulier ceux du Parti Communiste indonésien, et fit plus d'un million de morts. Enfin, ce fut en grande partie grâce à l'aide militaire fournie par l'impérialisme en général, et américain en particulier, que la dictature militaire put se maintenir au pouvoir, pendant plus de trois décennies.

Alors il ne faut pas s'étonner qu'avec un tel passé, la haine contre l'impérialisme se soit accumulée dans la population indonésienne au point de permettre à des bandes intégristes de trouver des recrues pour mener leur politique réactionnaire, du moment que cette politique apparaît comme visant les intérêts impérialistes - à tort, car même si quelques entreprises de voyages risquent de souffrir de l'attentat de Bali, cela n'écornera même pas le flot des profits qui s'écoulent en permanence à partir de l'Indonésie vers les grands centres impérialistes.

Cette haine est d'autant moins étonnante qu'à la faveur de la " guerre contre le terrorisme ", Bush a montré sa détermination de reprendre pied dans cette région du monde que les circonstances avaient contraint les troupes américaines à quitter, petit à petit, à la fin du 20e siècle.

C'est le cas aux Philippines, cette ancienne colonie américaine voisine de l'Indonésie, où une puissante mobilisation populaire avait imposé la fermeture des bases militaires US en 1991. Au début de cette année, des forces spéciales de Marines américains ont été déployées dans l'île de Mindanao, pour y liquider la guérilla musulmane d'Abu Sayaff. Or la guérilla d'Abu Sayaff est l'une des composantes d'un mouvement nationaliste, essentiellement musulman mais pas uniquement, qui s'est battu pour l'indépendance d'une partie de l'archipel qui constitue le pays depuis plus d'un siècle. En fait, depuis la guerre de conquête des Philippines menée par les États-Unis entre 1898 et 1906, guerre qui fit à l'époque 600 000 morts.

Tout indique que les prétextes invoqués pour l'intervention américaine - la prise d'otages de touristes occidentaux par Abu Sayaff et les liens qui lui sont attribués avec le réseau de Ben Laden - ne font que couvrir la volonté des leaders américains de réduire une opposition nationaliste qui menace l'intégrité de ce pivot de leur sphère d'influence dans cette région du monde. D'ailleurs, si, officiellement, les troupes américaines auraient dû se retirer des Philippines au 31 juillet dernier, il n'en a rien été. Non seulement elles continuent à mener des opérations dans la brousse des îles du Sud, sans grand succès semble-t-il, et à entraîner des unités antiguérillas de l'armée locale. Mais au terme d'un accord que vient de passer Bush avec le gouvernement philippin, elles ont désormais libre accès à tous les ports et aéroports du pays, suivant les exigences américaines pour mener la " guerre contre le terrorisme ".

Si les dirigeants philippins ont ainsi ouvert leur territoire aux troupes américaines, il n'en a pas été de même jusqu'à présent du gouvernement indonésien, inquiet des conséquences d'un tel geste, dans un pays en majorité musulman où la politique de Bush a soulevé beaucoup d'hostilité. Mais ce n'est pas faute de pressions dans ce sens de la part de Washington, pressions qui ont déjà entraîné bien des manifestations d'opposition.

Dans ce contexte, l'attentat de Bali, comme d'autres au Pakistan par exemple, permet aux intégristes indonésiens de se donner une image " radicale ", dont ils justifient la violence aveugle par la misère que fait subir l'impérialisme aux populations pauvres et la répression sanglante dont il les menace, et ainsi tenter de se porter à la tête d'une partie des mécontents. Ainsi, une fois de plus, la politique belliciste de Bush n'aura-t-elle servi qu'à offrir des troupes aux intégristes.

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