Italie : 8 100 suppressions d'emplois chez FIAT : obliger Agnelli à payer !18/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1785.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : 8 100 suppressions d'emplois chez FIAT : obliger Agnelli à payer !

8100 suppressions d'emplois : voilà l'annonce faite par les dirigeants de Fiat mercredi 9 octobre. Faisant éclater une situation qui couvait depuis de longs mois, ils ont déclaré officiellement " l'état de crise " du groupe automobile et réclamé l'aide de l'État.

Cela fait des mois que Fiat perd des parts de marché et se lamente sur le fait que son secteur automobile, la Fiat Auto, perd de l'argent. Il y a quelque temps, cela a débouché sur un accord avec General Motors, qui a pris 20 % de participation dans Fiat Auto. Cela fait aussi longtemps que de grandes manoeuvres sont en cours, entretenant l'inquiétude parmi les ouvriers du groupe, sans que ses dirigeants jugent bon de dire quelles sont leurs intentions. Mais un plan est évidemment en oeuvre, probablement en accord avec General Motors, sur la restructuration du groupe en Italie avant, peut-être, de le vendre entièrement au groupe américain.

Ainsi on a assisté à " l'externalisation " systématique d'un certain nombre de secteurs. Par exemple, tout en continuant à travailler dans les mêmes usines, les caristes et magasiniers ont cessé d'être des salariés Fiat pour devenir des salariés d'une entreprise, la TNT, ne dépendant plus de la convention collective de la métallurgie mais de celle du... commerce et transports. De même le secteur de Mécanique de Mirafiori, la plus grosse usine du groupe aux portes de Turin, est devenu la société " Powertrain " tandis que les ouvriers du secteur étaient soumis à une véritable douche écossaise : une ou deux semaines de travail alternant avec deux ou trois semaines à la maison, en " cassa integrazione ", c'est-à-dire en chômage indemnisé à 70 % environ. Et nombre d'autres secteurs ont ainsi été séparés juridiquement du groupe Fiat Auto.

La liste des usines fermées ou en voie de fermeture s'allonge. Fiat, qui a racheté peu à peu la plupart des grandes marques automobiles italiennes, a fermé il y a quelques années l'usine Lancia de Chivasso, à une cinquantaine de kilomètres de Turin. Il a racheté à l'État italien les usines Alfa, qui fabriquent les Alfa-Romeo, pour une bouchée de pain et avec des conditions de paiement scandaleusement favorables, en promettant d'y maintenir l'emploi. Puis il s'est employé aussitôt à restructurer ses usines, préparant notamment la fermeture de l'usine d'Arese, près de Milan, qui de plus de dix mille salariés est aujourd'hui passée à deux mille. Enfin, cette année, il a fermé l'usine de Rivalta, en banlieue turinoise, dont les ouvriers ont été priés d'aller travailler à Mirafiori, ce qui pour la plupart représente des temps de trajet augmentés d'une demi-heure à une heure.

Les propriétaires de Fiat, en premier lieu la famille Agnelli qui aujourd'hui verse des larmes de crocodile sur les décisions " douloureuses mais nécessaires " qu'il lui faudrait prendre, n'ont jamais cessé de gagner de l'argent, beaucoup d'argent. Fiat est un conglomérat financier, le plus gros sans doute en Italie, dont les intérêts touchent tous les secteurs, et dont les profits n'ont jamais été aussi hauts. La famille Agnelli, précisément, a fort bien su séparer le secteur financier, qui accumule les profits, du secteur Fiat Auto, dont le rôle au sein du groupe a été en diminuant. Ajoutons que la richesse du groupe Fiat, qui se veut l'emblème d'un capitalisme italien dynamique, doit beaucoup à son rapport privilégié avec l'État : fournisseur de matériel pour toutes les guerres, constructeur d'autoroutes, de matériel ferroviaire, grand bénéficiaire de toutes les opérations d'aménagement, il a toujours su vendre ses services et se faire payer un bon prix par un État italien qui ne pouvait rien refuser à la maison Agnelli. Ces dernières années, sous prétexte d'aide au développement du Mezzogiorno, Fiat a reçu d'énormes aides pour construire une usine automobile ultramoderne à Melfi, dans la province de Potenza, dans le Sud.

Aujourd'hui, en déclarant son secteur automobile en crise, c'est comme toujours à l'État que Fiat demande de l'aide pour prendre en charge les 8100 " sureffectifs " qu'il déclare. Sur ceux-ci, 500 travailleurs seraient mis en " mobilité ", sorte de régime de préretraite pris en charge par l'INPS, l'équivalent de la Sécurité sociale. 7 600 autres seraient mis en " cassa integrazione à zéro heure ", c'est-à-dire renvoyés chez eux avec 80 % du salaire de base (soit en pratique plutôt 70 % du salaire que 80 %), tout en restant théoriquement sur la liste du personnel, pour une durée maximum de 24 mois. La " cassa integrazione " elle aussi, outre des cotisations patronales, est financée par l'État et gérée par l'INPS.

Les syndicats n'ont répondu jusqu'à présent à l'inquiétude des travailleurs de Fiat qu'en réclamant de l'entreprise qu'elle précise un véritable " plan industriel ". C'est le cas de la FIOM, la fédération de la Métallurgie de la CGIL, la CGT italienne, qui il y a quelque temps s'adressait au gouvernement dans une lettre ouverte pour réclamer que l'on dirige " production et consommation vers une forte innovation sur les produits à partir de l'automobile " et " que l'on concentre les ressources publiques et privées sur ces objectifs " : soit, en clair, que l'on aide le groupe Fiat à investir dans l'automobile les ressources qu'il préfère visiblement consacrer à autre chose...

Plus récemment, le Parti de la Refondation Communiste a proposé la " nationalisation " de Fiat, en l'associant là aussi à un " plan de développement ". Mais le problème n'est pas de conseiller le groupe Fiat, ni de conseiller à l'État des voies alternatives pour le développement industriel. Il n'est pas non plus de proposer de nationaliser le seul secteur Auto de Fiat, au moment où précisément celui-ci est peut-être prêt à le vendre au plus offrant. Il est d'abord et avant tout de garantir la vie, le salaire de dizaines de milliers de travailleurs, et en fait de bien plus si l'on tient compte des familles, des usines de sous-traitance, des communes et des régions entières qui dépendent de l'activité automobile.

Pour cela il faut se payer sur les richesses, accumulées par le groupe Fiat sur le dos des travailleurs et de la population.

Après les débrayages dans le groupe Fiat, une journée de grève générale doit avoir lieu le 18 octobre, programmée depuis plusieurs semaines par la CGIL. Il faudrait qu'elle soit une étape dans la généralisation des luttes, afin d'empêcher que la crise économique qui se profile ne soit pour les patrons l'occasion de faire payer les travailleurs et de leur imposer de nouveaux reculs.

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