Halte à l'entreprise de division des salariés18/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1785.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Halte à l'entreprise de division des salariés

La nouvelle avait failli passer inaperçue. Par une discrète note réglementaire et une obscure astuce comptable, le gouvernement a décidé de puiser dans les excédents des retraites du privé (les caisses de la CNAV - Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse -, le régime général) pour renflouer les régimes publics mais aussi quelques autres : commerçants, artisans, professions libérales. La semaine dernière, les administrateurs de la CNAV découvrent le pot aux roses. La présidente de la CNAV proteste auprès du ministre du Travail : " Il est anormal de voir à nouveau le régime général mis de manière substantielle à contribution, au profit de régimes qui, jusqu'à présent, ne se sont en aucun point réformés ". Puis certains journaux de titrer le lendemain : " Le gouvernement puise dans les retraites du privé pour aider les régimes des fonctionnaires " (Les Echos, 10.10) - " Le privé à la rescousse du public " (Le Parisien) en oubliant au passage les commerçants, artisans et professions libérales parmi lesdits bénéficiaires...

Mais déterrer la hache de guerre entre salariés du privé et du public était sans doute trop tentant.

La décision du gouvernement de faire payer une catégorie de salariés pour d'autres salariés (et non salariés !), au lieu de prendre en charge le déficit de ses propres employés, est parfaitement scélérate, même si la pratique est habituelle. Mais que penser de l'argumentation de la directrice de la CNAV, une syndicaliste représentant la CFE-CGC, qui s'insurge de voir à nouveau le régime général mis à contribution " au profit de régimes qui, jusqu'à présent, ne se sont en aucun point réformés " ? Un point de vue qui anticipe tout simplement les désirs du gouvernement : aligner le régime des fonctionnaires sur celui du privé " réformé " : bref, retour aux quarante annuités, précisément ce sur quoi Juppé avait déclenché les grandes grèves de 1995 !

L'honneur des syndicalistes serait d'exiger le retour au 37 annuités et demie pour le régime général du secteur privé. Pas l'inverse. Et d'appeler les travailleurs des deux secteurs à se battre ensemble pour ce droit élémentaire, en le faisant financer par les dégrèvements de charges sociales accordés au patronat.

Mais ce n'est pas ce qui se passe. Pas plus pour les retraites que les salaires ou l'emploi.

Le principal danger qui guette aujourd'hui le monde du travail, c'est de se laisser diviser face aux attaques tous azimuts du patronat et de l'État. Et la stratégie corporatiste des centrales syndicales, d'appels à des journées d'action par secteurs et qui plus est sans lendemains, contribue à l'entreprise de division.

Qui proposera une perspective de luttes d'ensemble,

sinon les révolutionnaires ?

Il revient à l'extrême gauche de proposer les indispensables perspectives de mobilisation d'ensemble de la classe ouvrière contre les mesures Raffarin, toutes catégories confondues. Les militants révolutionnaires ne sont pas réduits à n'être que les meilleurs militants des futures journées d'action programmées en ordre dispersé par les appareils syndicaux. Ils doivent participer aux dites journées. Mais ils peuvent également se donner les moyens de défendre un tel programme de mesures unitaires à l'échelle nationale, au-delà de leurs milieux d'intervention habituels. Ils peuvent, en fait ils doivent, repartir en campagne pour défendre à nouveau ce même programme qui leur a fait obtenir plus de 10 % de scores additionnés au premier tour des présidentielles. Les organisations d'extrême gauche, à commencer par LO et la LCR, devraient pouvoir se mettre d'accord sur un programme défendant en substance :

- l'interdiction des licenciements

- l'embauche massive dans les services publics (financée par la suppression des subventions au patronat),

- l'augmentation générale des salaires (300 euros minimum d'augmentation mensuelle pour tous), des allocations et minima sociaux et leur indexation sur la hausse réelle des prix

- la défense des régimes de retraite par répartition et le retour aux 37 ans et demi pour tous

- l'embauche de tous les précaires qui le veulent,

- la régularisation des sans-papiers,

- les 35 heures avec embauches compensatoires, sans flexibilité ni perte de salaire,

- l'interdiction de la privatisation des services publics

Elles ont les moyens, pour peu qu'elles le veuillent, de mener ne serait-ce qu'une campagne de propagande à l'échelle nationale sur ce programme de revendications et de mobilisation d'ensemble, sous formes de campagne d'affiches, tracts, réunions, voire conférences de presse et meetings organisés en commun si possible. Ce serait la suite logique à donner à la campagne électorale, là où les travailleurs en général attendent vraiment quelque chose, là surtout où les milieux militants de la classe ouvrière (militants syndicaux de toutes étiquettes, sympathisants, militants ou ex-militants du PC...) s'interrogent aujourd'hui, à la recherche d'une voie pour sortir des impasses actuelles. Affirmer notre volonté de prendre toute notre part à la préparation de la riposte ouvrière, avec toutes les autres forces du monde du travail, est le premier pas pour nous lier aux militants de celles-ci et aller vers une contre-offensive d'ensemble.

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