Chirac et le " contrat pour les immigrants " : Nécessité économique et démagogie politicienne18/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1785.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Chirac et le " contrat pour les immigrants " : Nécessité économique et démagogie politicienne

Evoquant la question de l'immigration dans son discours de rentrée à Troyes, Chirac a affirmé qu'il voulait " donner une nouvelle vigueur " au modèle d'intégration, en proposant que " chaque nouvel arrivant en France s'engage dans un véritable contrat d'intégration comprenant notamment la possibilité d'accéder à des formations et à un apprentissage rapide de notre langue ". Mais dans le même temps, il a réaffirmé sa volonté de mener " une action résolue et sans faiblesse contre l'immigration clandestine ".

Ce discours fait écho à des propos récents de Sarkozy, le ministre de l'Intérieur, déclarant que " la France a besoin d'immigrés " mais qu'elle " ne peut et ne doit accueillir tous les immigrés ".

Derrière ces déclarations, il y a de la part du gouvernement, le souci de répondre aux préoccupations économiques d'une partie du patronat, tout en ménageant la xénophobie des électeurs de droite et d'extrême droite.

Les intérêts des patrons...

Régulièrement en effet, des responsables patronaux plaident en faveur d'une ouverture des frontières. Ainsi, Jean-Louis Giral, ancien dirigeant du CNPF, l'ancêtre de l'actuel Medef, patron d'une entreprise du BTP (Bâtiments et Travaux publics) a insisté sur " la nécessité de renouveler le stock de main-d'oeuvre étrangère " et plusieurs dirigeants de la même branche reconnaissent, en termes plus choisis mais tout aussi clairs, qu'ils voudraient bien remplacer une population immigrée vieillissante par des travailleurs plus jeunes et plus vigoureux.

La Chambre de commerce et d'industrie de Paris a publié, en décembre 2000, un rapport qui insistait sur la pénurie de main-d'oeuvre dans les secteurs de nouvelles technologies comme l'informatique, mais aussi dans les assurances, l'hôtellerie, l'alimentation, le BTP - encore lui - l'agro-alimentaire, les industries métallurgiques, les transports... Elle préconisait l'embauche de salariés étrangers qui " peut contribuer à faire gagner des marchés (grâce à la baisse des coûts) et donc participer à la croissance économique du pays ".

C'est clair : il faut attirer une main-d'oeuvre, qualifiée ou non, mais de toute façon prête à accepter des conditions de travail dures et des bas salaires. À condition, bien sûr, de bien cibler les travailleurs en question. Il est profitable pour le patronat de conserver une main-d'oeuvre sans droits, au statut encore plus précaire et donc encore plus exploitable.

Cette ouverture à une immigration adaptée à leurs besoins est conçue par le patronat et les gouvernements comme une mesure réversible et modulable, selon le marché. Il faut, pour les emplois non-qualifiés non pourvus par des chômeurs nationaux, " faire appel à des mains-d'oeuvre étrangères saisonnières dans le cadre de contrats entre les pays européens et les pays d'Afrique ou méditerranéens " et, pour les emplois qualifiés, " il est préférable de systématiser le système des migrations temporaires, ce qui suppose à la fois une ouverture plus généreuse des frontières et une fermeté plus grande sur le séjour permanent ", déclarait Chevènement, ministre sous Jospin, en juillet 2000. On dirait du Sarkozy ou du Chirac !

... en ménageant l'électorat d'extrême droite

Car si l'attitude du gouvernement envers les immigrés est soumise aux aléas économiques, elle répond en même temps à la volonté politique de ménager cette fraction de l'électorat séduite par la démagogie d'extrême droite qui fait retomber la responsabilité du chômage sur l'immigration.

D'où la dureté des mesures législatives sur l'immigration, qu'elles émanent de Pasqua, Debré ou Chevènement, d'où ces contrôles et ces reconduites à la frontière avec ou sans charter, ces centres de rétention et ces tracasseries permanentes qui rendent la vie impossible aux travailleurs en situation irrégulière. D'où ces opérations à grand spectacle, que l'on médiatise de temps à autre.

Leur docilité aux désirs des patrons pousse les gouvernements, de droite comme de gauche, à entrouvrir les frontières ; leur volonté de flatter la partie la plus réactionnaire de l'électorat les conduit à la démagogie sécuritaire et anti-immigrés.

Inutile de dire qu'il n'y a rien à attendre de bon d'une telle politique, qu'on soit étranger où que l'on détienne une carte d'identité française. Car elle ne vise qu'à imposer une exploitation accrue à l'ensemble des travailleurs et à les diviser.

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