L'explosion d'un pétrolier français : Marée noire de spéculations11/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1784.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

L'explosion d'un pétrolier français : Marée noire de spéculations

Après l'explosion qui, le 6 octobre, a ravagé un super-tanker battant pavillon français, le Limburg, alors qu'il transportait du pétrole brut au large des côtes du Yémen, la presse s'est fait l'écho de bien des spéculations, mais à ce jour d'aucune certitude.

Pour les uns, il s'agirait d'un attentat terroriste commandité par des associés yéménites de Ben Laden. Pour les autres, il s'agirait d'un simple accident sans aucun rapport avec le terrorisme. Mais ce qu'on peut constater, c'est la multiplicité et le poids des intérêts en jeu derrière toutes ces spéculations.

Les assureurs de la Lloyd's, par exemple, qui assurent une bonne partie des transports maritimes de la planète, préfèreraient que l'explosion puisse être attribuée à un défaut structurel du navire, ce qui leur éviterait d'avoir à payer la note, évaluée à 60 millons d'euros - ce qui ne les a d'ailleurs pas empêchés de sauter sur l'occasion pour tripler préventivement les primes sur tous les chargements à destination du Yémen.

Les compagnies propriétaires et gérantes du Limburg, elles, préfèreraient à tout prendre la thèse de l'attentat. Sinon cette explosion pourrait raviver la polémique à propos des super-tankers du type du Limburg, dont la double-coque a été accusée par certains de créer le risque d'une accumulation de gaz pouvant entraîner une explosion. Or si cette possibilité était confirmée, non seulement le Limburg, mais toute la flotte des super-tankers de dernière génération, devrait retourner en cale sèche.

Le gouvernement du Yémen, lui, préfère tout sauf la thèse de l'attentat. Car, pris entre les pressions de Washington qui lui attribue une responsabilitié dans un autre attentat, en octobre 2000, contre un navire américain et l'accuse de complaisance vis-à-vis de Ben Laden (au point d'envoyer des unités spéciales de marines faire du " ratissage " au Yémen) et celles de l'opposition, intégriste ou non, qui l'accuse d'être à la botte des USA, il n'a vraiment pas besoin de cela en plus.

Les autorités américaines, elles, rendent des sons de cloche discordants. Les uns, émanant des services de renseignements, confirment la thèse de l'attentat, et les autres, émanant du Département d'État, la nient - discordances qui reflètent sans doute autant des dissensions internes, voire des rivalités, dans les hautes sphères de l'État américain, que des conceptions différentes quant à la meilleure façon d'entraîner Chirac dans la galère de Bush.

Quant au gouvernement français, il se garde bien de se prononcer. La thèse de l'attentat ne lui sourit sans doute pas, car elle accrédite l'idée, juste au demeurant, que l'impérialisme français peut lui aussi attirer la haine à l'instar de son rival américain. Mais d'un autre côté, si la thèse de l'attentat se révélait la bonne, ou simplement la plus commode, il ne faut pas qu'il soit dit que ce gouvernement qui a fait de la sécurité son étendard, ait fait preuve de " faiblesse " face au terrorisme, en montrant trop d'empressement à la nier.

Dans ce panier de crabes où les affaires de gros sous se mélangent, et dans une certaine mesure se confondent, avec les intérêts politiciens, bien malin qui pourra déceler la vérité - si on la connaît un jour.

Mais à propos de crabes, justement, c'est d'eux dont la presse ne parle pas cette fois ni de marée noire. Il est vrai que si du brut a été déversé dans le golfe d'Aden à cette occasion, il n'aura pollué " que " les côtes du Yémen. Et qui s'est jamais soucié des côtes de tous ces pays pauvres, qu'on a encerclés de plate-formes pétrolières maritimes produisant de véritables mers de mazout ?

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