Citroën (Aulnay) : Encore un accident très grave13/09/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/09/une1780.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Citroën (Aulnay) : Encore un accident très grave

Lundi 2 septembre, sur les chaînes de montage de l'usine Citroën d'Aulnay, le travail n'avait pas encore repris depuis une semaine qu'un accident très grave s'est produit. Un ouvrier, devant passer un câble sous une installation, a été coincé sous une table de transfert qui descendait. Il a fallu dix minutes pour le dégager et deux heures de soins intensif du SAMU, dans l'atelier même, pour pouvoir le transporter à l'hôpital, où les médecins sont toujours réservés sur son état.

C'est le deuxième accident très grave qui se produit à quelques mois d'intervalle : en juin, un ouvrier décédait d'un traumatisme crânien consécutif à une chute dans l'usine.

Comme dans d'autres accidents moins graves, la direction essaie de dégager sa responsabilité pour ne pas avoir à payer les cotisations et autres frais y afférent. Pour l'accident mortel de juin, elle avait émis des réserves auprès de la Sécurité sociale, mettant en cause, de cette manière, les indemnités qu'elle devra verser à la famille (trois ans de salaire brut, d'après l'accord d'entreprise).

Pour ce dernier accident, la direction a déjà essayé de brouiller les pistes. Les travaux de passages de câbles avaient commencé pendant l'arrêt des chaînes en août ; ils n'avaient pas pu être terminés mais elle les laissait continuer malgré la reprise. Toujours pour réaliser des économies, elle avait fait appel à une société sous-traitante, la CEGELEC. Cette dernière a fait appel à une autre société, la FRIE, pour compléter les effectifs. Tous ces intermédiaires laissent un flou sur les responsabilités en matière de transmission des consignes de sécurité et du contrôle de leur respect. La direction le sait très bien. Sa seule réelle préoccupation est de sortir la production et, tout au long de la hiérarchie, les pressions s'exercent pour aller vite. Des ouvriers l'ont payé de leur vie par des crises cardiaques qui ont tué en juin deux autres ouvriers (dont l'un à deux jours de son départ en retraite).

Même pendant que la victime était encore en danger, la direction avait déjà trouvé une version de l'accident mettant en cause l'ouvrier. La preuve en est qu'une demi-heure après, elle envoyait à toute la maîtrise un message électronique affirmant que l'ouvrier n'avait pas à passer de câbles sous l'installation... et qu'il avait démonté pour des raisons inexpliquées les grilles de sécurité. C'était pourtant précisément son travail, mais tant pis pour le mensonge : les chefs pouvaient ainsi répondre aux questions des ouvriers émus et imposer la reprise de la production dès que possible.

Elle continuait sur le même registre dans la réunion du Comité hygiène et sécurité : dans son compte-rendu par exemple, elle ne mentionne pas l'absence sur cette machine de portillon d'accès coupant automatiquement le circuit électrique, affirmant que l'ouvrier a pénétré dans l'enceinte sans précaution. Normalement la machine aurait dû être consignée à l'arrêt. Mais cela prend du temps, alors souvent on s'arrange, on se fait confiance, sauf que tout le monde n'est pas toujours au courant... Cet accident, n'importe quel ouvrier de Citroën aurait pu en être victime. Combien ont été amenés à travailler dans des installations en fonctionnement ou hors sécurité ?

C'est sans doute par le refus systématique et collectif de travailler dans ces conditions qu'il faudrait commencer. Compter sur la direction pour notre sécurité, c'est demander du lait à un bouc.

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