Irak : Les menaces de guerre de bush06/09/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/09/une1779.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Les menaces de guerre de bush

Aux discours bellicistes de Bush contre l'Irak, les ministres des Affaires étrangères de l'Union Européenne ont répondu en substance par un " oui, mais, peut-être " : selon eux, Saddam Hussein et ses prétendues " armes de destruction massive " sont sans doute un " danger " ; mais avant toute chose il faudrait faire parler les diplomates et envoyer en Irak des " inspecteurs " de l'ONU pour s'en assurer. Peut-être ensuite faudra-t-il des représailles militaires, concluent-ils, mais ce sera à l'ONU d'en décider.

Cette attitude des impérialismes mineurs est celle qu'ils ont adoptée depuis la fin de la guerre du Golfe, en 1991, position qui n'est pas plus " modérée " en fait que celle de Bush, contrairement à ce que prétend la presse, mais qui a l'avantage d'être à géométrie variable.

Sans doute, le fait de se réfugier derrière l'autorité de l'ONU, a permis à ces gouvernements de prendre leurs distances, du bout des lèvres en tout cas, vis-à-vis des aventures guerrières de Washington, non pas par souci des intérêts des peuples, dont ils se moquent, mais pour servir leurs propres intérêts. Cela reste vrai aujourd'hui, par exemple pour le gouvernement allemand, qui souhaite ménager son opinion publique en période électorale, ou pour le gouvernement français, qui ne veut pas risquer de compromettre les contrats de prospection mirobolants promis à TotalFinaElf par Bagdad.

Mais pour le reste, il faut rappeler que, depuis dix ans, après avoir participé pour la plupart militairement à la guerre du Golfe, les gouvernements européens sont restés solidaires de la politique américaine contre l'Irak. Au nom des exigences exorbitantes des " inspecteurs " de l'ONU, ils n'ont jamais cessé d'apporter leur caution (voire de participer pour la Grande-Bretagne) aux bombardements réguliers et aux sanctions économiques imposées à ce pays - sanctions qui ont fait sans doute bien plus de victimes que la guerre elle-même.

C'est dire toute l'hypocrisie des États européens face à l'escalade belliciste de Bush.

Pour l'instant, il est vrai, cette escalade reste verbale. Pour une part au moins, elle apparaît destinée à répondre à des préoccupations politiciennes. Mais il est vrai que Bush peut mettre finalement ses menaces à exécution en attaquant l'Irak, même si une telle opération a toutes les chances de déboucher sur une aventure désastreuse.

Car de quel bilan Bush peut-il se prévaloir après un an de " guerre contre le terrorisme " ? Des milliers de victimes innocentes en Afghanistan et d'un régime si fragile à Kaboul que, malgré la présence des forces occidentales sur le terrain, il n'est même pas capable d'empêcher ses propres ministres d'être victimes des querelles qui le divisent ? Quant à Ben Laden, dont Bush avait fait l'ennemi public numéro un, il a échappé à la plus puissante armée du monde. Et ce n'est pas la mise en cage de quelques milliers de pauvres diables à la base de Guantanamo qui peut remplacer sa capture.

Dans ces conditions, le thème de la " guerre contre le terrorisme " risque d'en arriver à avoir plus d'inconvénients que d'avantages pour Bush. Et pourtant, il lui faut bien entretenir l'illusion de menaces extérieures pour pouvoir justifier, au nom de la protection du prétendu " monde libre ", la présence militaire américaine aux quatre coins du globe et son coût exorbitant à un moment où les conditions de vie de toute une partie de la population américaine sont aggravées par la récession. Et pour cela, quoi de plus commode que de ressortir le vieil épouvantail de Saddam Hussein que l'attentat du 11 septembre avait provisoirement remisé au magasin des accessoires.

De là à ce que l'impérialisme américain se lance dans une guerre visant au renversement de Saddam Hussein, il y a néanmoins encore une marge.

D'abord parce que l'Irak, malgré toutes ces années de blocus, n'est pas l'Afghanistan. Bush ne peut espérer investir Bagdad en bombardant à distance les villes et installations militaires. Et cela pose le problème de la réaction de l'opinion publique américaine le jour où les " body-bags " des soldats tombés au combat commenceront à revenir, car la mémoire de la guerre du Vietnam n'est pas loin. Ensuite parce, malgré tous ses défauts, la dictature de Saddam Hussein a quand même l'avantage, du point de vue de l'impérialisme, d'empêcher les nombreuses poudrières nationales qui ne demandent qu'à exploser dans la région (kurdes, chiites, etc.) de remettre en question les frontières nationales existantes. Enfin parce que ce serait ouvrir un second front, après celui de la Palestine, dans une région dont dépendent une grande part des bénéfices des géants pétroliers américains. Et tout cela sans la moindre garantie de réussir à mettre en place en Irak un régime à la fois stable et favorable à Washington.

Cela dit, entre la situation de guerre larvée actuelle, avec ses bombardements intermittents et les sanctions économiques en place, et une invasion du pays par l'armée américaine, il y a aussi des possibilités intermédiaires, qui pourraient appuyer l'escalade verbale de Bush - depuis une nouvelle vague de bombardements massifs comme il y en a eu plusieurs dans les années 1990, jusqu'à des débarquements limités dans des régions vitales en bordure du territoire irakien, qui pourraient par exemple interrompre totalement son commerce maritime semi-clandestin.

Déjà Saddam Hussein a offert de lui-même d'accepter le retour des " inspecteurs " de l'ONU. Bush peut espérer le contraindre à bien d'autres concessions humiliantes - et pourquoi pas à partir de lui-même, en laissant le pouvoir à des hommes de son clan, ce qui serait en fin de compte la solution la plus satisfaisante du point de vue des intérêts de l'impérialisme. Bush aurait-il alors obtenu un " succès " dont il pourrait se prévaloir auprès de l'opinion publique américaine. Mais en plus il aurait achevé la démonstration que son père, puis Clinton, avaient amorcée, destinée à montrer à l'ensemble des peuples et régimes des pays pauvres ce qu'il en coûte de contester tant soit peu l'ordre impérialiste.

Dans tous les cas, guerre totale ou pas, la population irakienne fera de nouveau les frais de cette démonstration de force dont le seul but, encore une fois, serait d'affirmer la domination de l'impérialisme et de terroriser les peuples qui voudraient lui résister.

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