Un sommet de l'hypocrisie30/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1778.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Un sommet de l'hypocrisie

Cent chefs d'État, dont Chirac, et des dizaines de milliers de personnes sont, paraît-il, venus à Johannesburg en Afrique du Sud, à ce qu'on appelle pompeusement le " Sommet de la Terre ".

Tout le monde le dit, ce sommet est tout aussi inutile que celui de Rio qui l'a précédé, il y a dix ans, en 1992.

L'ONU, organisateur de cette mascarade, n'a vraiment pas honte.

Ce n'est pas qu'il n'y a pas de problèmes concernant l'état de la planète et, surtout, la situation de ceux qui y vivent. Trois milliards d'habitants sur les six que compte la Terre ont moins de deux euros par jour pour vivre, et un milliard a moins d'un euro.

Il y aurait assez d'eau douce sur la terre pour que tous ses habitants en disposent, mais 450 millions de personnes en manquent et 1,5 milliard n'aurait que de l'eau polluée, ce qui est sûrement un chiffre largement sous-évalué.

Il faut dire que dix pays disposent à eux seuls de 60 % des réserves d'eau douce. Un habitant des État-Unis en gaspille en moyenne 700 litres par jour, un Européen 200 mais, par exemple, un Haïtien n'en a que moins de 20 et c'est de l'eau douce mais pas toujours potable. Et encore, c'est une moyenne parce que, dans les quartiers riches autour de Port-au-Prince, des villas entourées de murs possèdent des piscines surveillées par des gardes tandis que la population des bidonvilles doit faire des kilomètres pour rapporter un peu d'eau, et encore, elle est polluée.

L'eau n'est qu'un exemple car il en va de même pour la nourriture.

Pourtant la production, aussi bien agricole qu'industrielle, serait suffisante pour tous. En un siècle, de 1890 à 1990, la population mondiale a été multipliée par quatre mais la richesse l'a été par quatorze et la production industrielle par quarante ! Mais 20 % de la population mondiale consomme 90 % de tout ce qui est produit et par l'agriculture et par l'industrie.

Alors, à Johannesburg, il y aura eu beaucoup de discours, des centaines de résolutions et des tonnes de papier, mais dans dix ans, s'il y a une nouvelle conférence de ce type, rien n'aura changé sinon en pire.

A quoi servent donc les bonnes paroles, lorsqu'on sait qu'aucun des gouvernements qui se réunissent, aucun État, ne veut s'opposer à la loi du marché, à celle du profit maximum, qui domine l'économie mondiale. Aucun ne veut obliger les grandes entreprises à respecter l'intérêt général.

On apprend, au détour d'un article, qu'à l'échelle mondiale, le marché des céréales et des grains est détenu par seulement quatre grandes sociétés.

Toucher à ces monopoles serait toucher à la liberté d'entreprendre, à la liberté tout court nous disent ceux qui gouvernent et qui, en fait, imposent la dictature du capital et la liberté d'exploiter, la liberté d'affamer.

L'inégalité économique et sociale est colossale. Par exemple, 258 personnes dans le monde possèdent une fortune supérieure aux revenus de 45 % des plus pauvres.

Le quart de la population mondiale peut crever, deux autres quarts peuvent tout juste survivre, et le quart restant n'avoir qu'une vie à peu près convenable, pour que quelques trusts et quelques milliers de favorisés accroissent leur fortune. C'est ce système qu'il faut changer car ce n'est pas le climat qui crée ces inégalités, c'est l'organisation sociale, c'est le capitalisme.

On peut installer des pompes dans bien des endroits et des panneaux solaires pour les faire fonctionner. Mais il faut les fournir gratuitement. C'est pourquoi il faut imposer à ces grandes sociétés qui font des profits colossaux une planification à l'échelle mondiale afin de produire, là où il le faut, ce qui est nécessaire à tous, en recherchant l'intérêt de la collectivité et pas celui de quelques parasites. C'est leur liberté de produire pour le profit qu'il faut supprimer, c'est le seul moyen de défendre l'existence de la planète et celle de ses habitants.

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