Privatisations à l'ukrainienne30/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1778.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Privatisations à l'ukrainienne

Si les entreprises ukrainiennes se présentent désormais, dans leur grande majorité, sous la forme de sociétés par actions, ces actions restent généralement aux mains de l'État, ou des tronçons régionaux, municipaux, ministériels de l'appareil d'État contrôlés par les barons du régime. Cela vaut d'abord pour le coeur même de l'économie du pays : mines (au statut de " trust d'État par actions "), combinats sidérurgiques et secteur de l'armement.

Certes, quelques grandes entreprises industrielles ont été vendues, les seuls à s'en être portés acquéreurs étant de grands groupes russes (qui ont les mêmes liens avec l'État sous des dehors de sociétés par actions), les " investisseurs occidentaux " n'en voulant pas. Par ces rachats, ces entreprises ukrainiennes reviennent dans le giron de leurs anciens partenaires et fournisseurs de l'époque soviétique car, conçues alors les unes pour les autres, elles ne pouvaient continuer de fonctionner que de façon intégrée. D'une façon qui peut paraître paradoxale aux chantres du " marché ", ces groupes ont utilisé leur forme de sociétés par actions, mais fortement dépendantes de l'État (russe ou ukrainien), pour rétablir des liens vitaux, lointain héritage d'une économie soviétique planifiée et nationalisée, que l'éclatement de l'Union soviétique avait mis à mal.

Les programmes de privatisation, bien qu'affirmés et réaffirmés par les autorités centrales depuis la disparition de l'URSS, fin 1991, marquent donc le pas ailleurs que dans le secteur des services ou des PMI. Et cela provoque les récriminations des institutions internationales du monde impérialiste (Fonds monétaire international, Banque mondiale, etc.). Mais les privilégiés du régime, qui sont en grande partie les mêmes qu'à l'époque de l'URSS, n'en ont cure. Ils se satisfont des formes actuelles du pillage de la propriété publique où ils n'ont même pas à prendre les risques que, ici, l'on dit liés au statut de propriétaire légal. À cela s'ajoute le fait que ces derniers et les fameux " investisseurs occidentaux " n'ont que faire - en tout cas, c'est ce qui ressort de leur attitude - de l'achat d'entreprises gigantesques, conçues à l'époque soviétique sur des bases autres que celles de la course au profit privé, qu'ils seraient, pour de multiples raisons, bien en peine de faire fonctionner selon les critères du profit capitaliste.

C'est ce que reflètent, d'une certaine façon, les récentes déclarations d'un des chefs du FGI (Fond de la propriété d'État d'Ukraine). Citant ses propos, des journaux ont caractérisé le programme de privatisation dont il a la charge comme un " échec total " pour l'année 2002 : l'État ukrainien, qui en attendait l'équivalent d'un milliard d'euros, et l'avait déjà budgété, n'encaisserait que cinq fois moins. Et encore, l'opération peut se solder par une perte sèche, doublée d'un gâchis économique et social absolu. On en a un exemple, parmi d'autres, avec ce sovkhoze (ferme d'État) de la région de Kharkov (est du pays), étranglé comme bien d'autres par la désorganisation économique généralisée, qui a cru trouver son salut dans un repreneur privé. Le nouveau propriétaire, qui n'attendait que ça, a empoché les aides publiques à la privatisation et disparu en abandonnant sovkhoze et sovkhoziens à leur sort.

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